Une urgence : concevoir une économie de l’intérêt général

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Le 5 octobre, François Hollande, Président de la République s’est exprimé dans le cadre des Etats Généraux de la démocratie territoriale, dressant le tableau de ce que pourrait être la réforme territoriale. Cela amène de notre part remarques et constats

Nous pensons nécessaire la refondation républicaine de la société. Elle n’est pas concevable sans avancées démocratiques. Elle doit être conçue comme une des réponses aux crises auxquelles nous sommes confrontés. Cela signifie que la question institutionnelle n’est pas technique et qu’elle ne se réglera pas par une répartition des compétences entre les collectivités et un nouvel acte de décentralisation. Elle doit participer à la réponse aux besoins sociaux et permettre d’atteindre l’intérêt général.

Ainsi poser la décentralisation comme bonne en soi n’a pas de sens. Ce qui est en débat c’est l’ensemble de l’organisation de la puissance publique comprenant sa dimension territoriale. Sinon c’est se condamner à organiser de nouvelles féodalités.

Ainsi nous nous inquiétons d’abord de voir que les mesures qui se dessinent vont faire exploser un peu plus le cadre républicain et la nécessaire égalité de traitement entre tous les citoyens.

Nous en voulons pour preuve l’élargissement du droit à l’expérimentation qui fait écho aux revendications relatives au droit de légiférer exigé par un certain nombre de barons locaux. Cette proposition s’accompagne de propos quant à une nécessaire meilleure adaptation de la loi et un allégement des normes. Les lois n’auraient donc pas la même valeur d’un point à l’autre du territoire national. Elles seraient plus ou moins bonnes selon l’endroit où elles sont appliquées. Nous considérons au contraire que les collectivités doivent agir dans un cadre fixé nationalement que seule la loi peut garantir et que c’est la condition impérative de l’égalité républicaine.

En ce sens la notion de chef de file appelle elle aussi à des commentaires. Elle rend en effet possible des organisations variables d’un point à l’autre du territoire national sur le plan de l’exercice des compétences et de la répartition des politiques publiques.

Plus encore les pôles métropolitains, inventés par la droite et qui permettent de s’allier entre territoires les plus riches au détriment des autres ruraux et périurbains en particulier jugés, comme indignes de participer à la concurrence internationale, sont confortés. Ils auront la possibilité d’exercer les compétences des Régions et de l’Etat. Comment ce qui était contraire à l’intérêt général sous la droite deviendrait bon sous un gouvernement de gauche ? Comment accepter ce qui crée les conditions de la concurrence entre les territoires ?

A cela s’ajoute le fait que ces mesures se déploient sur fond d’austérité imposée. Les collectivités devront participer à l’effort de réduction des dépenses publiques et de désendettement, engagements européens obligent... Cela signifie très concrètement moins de politiques publiques, moins d’investissement publics dont on sait qu’ils sont assumés à 70% par les collectivités. Bref cela correspond à une nouvelle contraction des activités et alimente la logique folle et mortifère de la récession. Alors que tant de besoins sociaux ne sont pas couverts. Alors qu’il est absolument nécessaire d’assurer par exemple la mutation écologique de nos activités.

Que se profile t-il alors ? Des bricolages plus ou moins heureux pour trouver quelques recettes. Ainsi on vend des CEE (Certificats d’Economies d’Energie) ce qui revient ni plus ni moins qu’à participer à la marchandisation de l’obligation de réduire la consommation énergétique ou encore on sollicite le marché obligataire ce qui revient à se soumettre d’autant plus aux agences de notation dont on connaît les critères d’évaluation : toujours moins d’action publique et de service public, toujours plus de marchandisation et de privatisation. Ces mesures reviennent à se soumettre encore un peu plus aux diktats des marches financiers.

Pour avancer de bonne manière sur ce point une réforme fiscale d’ampleur est nécessaire qui viserait à répartir les richesses entre les citoyens et entre les collectivités afin qu’elles aient les moyens effectifs de mettre en œuvre leurs compétences. Sinon ce qui s’organise est ni plus ni moins que la poursuite de la réduction et de la marchandisation des missions de services publics.

Même si l’on peut se réjouir de l’abandon du conseiller territorial, le volet démocratique est lui aussi très critiquable.

D’abord les citoyens sont totalement hors du coup et rien n’a été fait pour qu’il en soit autrement. De même prendre des décisions de cette ampleur avant les municipales et les rdv électoraux locaux n’occasionnera pas un débat partagé avec eux. Enfin les intercommunalités qui montent en puissance ne seront pas pilotés par des élus défendant des projets contradictoires en toute transparence lors des élections, permettant ainsi l’expression de choix. A peine ces élus seront–ils «fléchés» lors des municipales.

Nous sommes favorables à l’intercommunalité quand elle correspond à des périmètres de solidarité et des projets partagés, accompagnés, nous insistons sur ce point, de contrôle démocratique et d’espace de cogestion. Nous serons attentifs à l’évolution des propositions qui seront faites par le gouvernement. Pour l’instant nous considérons que non seulement elles ne sont pas à la hauteur des enjeux et qu’elles participent à une accentuation des crises politiques, sociales et écologiques. Nous mettrons donc tout en œuvre pour les battre en brèche.