Note sur les rythmes scolaires

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Note rédigée par la commission éducation du Parti de Gauche (et notamment Julia Visage pour l’analyse de texte du décret)

Cadrage

Vincent Peillon a finalement réussi à rassembler la communauté éducative…contre lui ! Sa loi d’orientation scolaire n’est pas encore au Parlement que le Ministre a déjà fait exploser le consensus qui existe sur la nécessité d’une réforme des rythmes.

Le ministre a choisi de faire passer cette réforme par décret le 26 janvier 2013, soit trois jours après avoir présenté en conseil des ministres sa future loi d’orientation scolaire. Auparavant, la concertation s’était déroulée en trompe l’œil pour aboutir au final à un passage en force ministériel. Le Conseil Supérieur de l’Education (CSE) qui regroupe principalement des représentants des organisations syndicales enseignantes et des parents d’élèves a ainsi rejeté le décret sur les rythmes scolaires.

Face aux difficultés à imposer sa réforme, Vincent Peillon use de toutes les manœuvres de divisions, aussi grossières soient-elles. Editorial du Monde à l’appui, il a ainsi fait sonner la charge par Bruno Julliard pour taxer les enseignants de corporatisme. Fin janvier, il envisageait de proposer une aumône sous forme de prime de 400 € annuels aux seuls enseignants du primaire alors même que Marylise Lebranchu refusait d’augmenter la valeur du point d’indice des fonctionnaires et donc de l’ensemble des enseignants. Dernier stratagème en date, proposer d’alléger les programme pour faire face à cette réforme des rythmes… Pendant ce temps, il s’est employé à forcer la main aux communes en leur faisant miroiter une aide financière pour celles qui choisiront d’appliquer en urgence la réforme en 2013.

Si Vincent Peillon bute sur une telle résistance, c’est que sa réforme est mauvaise et pleine de dangers. Elle ouvre ainsi la voie à une école à la carte et à une territorialisation de l’éducation. En rejetant dans le temps périscolaire des activités et des apprentissages, l’école publique sera dépendante de la volonté et des moyens des collectivités locales. C’est clairement une remise en cause du caractère national de l’école.

L’école à la carte version Peillon, c’est donc un petit peu plus de ceci et un petit peu moins de cela selon où on réside et les moyens dont on dispose. Les activités périscolaires deviennent la variable d’ajustement du gouvernement à l’austérité. Leur gratuité étant laissée à la discrétion des communes, cette réforme remet en cause le principe de gratuité de l’éducation et donc le caractère obligatoire de l’école qui en découle. C’est aussi la porte ouverte à une marchandisation de l’éducation, les risques l’externalisation envisagée représentant une opportunité des plus alléchantes pour les officines privées.

Cette réforme représente aussi une atteinte au principe de laïcité. La réforme des rythmes scolaires ne peut pas s’imposer à des écoles privées sous contrat pour ne pas contrevenir à leur liberté. Au titre d’une pseudo parité, il est prévu de subventionner quelques écoles qui appliqueraient la réforme. D’autres écoles privées qui animent des activités périscolaires hors la réforme des rythmes pourraient alors se prévaloir de leur « liberté d’enseignement » pour dénoncer juridiquement cette distorsion de traitement. Un tel financement est illégal et contrevient à aux lois Goblet et Debré pour laquelle il serait désormais autorisé de financer l’établissement et ses activités à « caractère propre » et non plus le seul enseignement (voir la note complète d’Eddy Khaldi sur le sujet).

Enfin, il faut bien mesurer que cette réforme s’inscrit dans le cadre plus global de la loi d’orientation. Elle est à mettre en relation avec les deux piliers de la loi d’orientation que sont l’égalité des chances et le socle commun. La réforme des rythmes est donc une application pratique qui vise à sortir des activités, des apprentissages et des savoirs de ce qui est enseigné à tous pour les confier aux collectivités locales et indirectement aux familles.

Au contraire, il faut une réforme qui parte des besoins de l’enfant et qui rompe avec la précarité et la flexibilité qui du salariat se transpose à la famille et entrent dans l’école. La réforme des rythmes scolaires aurait dû permettre de repenser la place de l’enfant dans la société et le rôle de l’école dans sa construction. A quoi sert l’école ? Les savoirs et les apprentissages sont-ils purement utilitaristes ou visent-ils à l’émancipation ? Comment peut-on rendre la vie en collectivité épanouissante ? Qu’est-ce que cela présuppose en termes d’organisation ? A défaut de se saisir de ces questions, la réforme des rythmes de Vincent Peillon traduit une continuité avec les logiques précédemment à l’œuvre.

Le Ministre doit donc retirer son décret et s’atteler avec les différents acteurs à sa réécriture tant la version actuelle est porteuse de danger pour l’école de la République. Il faut donc dans les collectivités non seulement refuser d’appliquer cette réforme dès la rentrée 2013 mais ne pas s’engager sur son application en 2014. Le décret demande un courrier du Maire. Mieux vaut privilégier là où c’est possible un positionnement du conseil municipal.

 

Plus précisément dans le texte...

 

L’implication des collectivités territoriales :

L’aménagement des rythmes scolaires, en répartissant les 24h d’enseignement hebdomadaire sur 9 demi-journées, laisse une grande place quotidienne aux activités périscolaires.

Ces activités proposées devront être en lien avec le projet éducatif territorial (PEDT). Qui proposera ces activités ? Les animateurs ? Les enseignants sur les heures libérées dans la journée à la place de l’APED) ? Cela reste flou.

Le PEDT sera élaboré à l’initiative de la collectivité territoriale et associe à cette dernière l’ensemble des acteurs intervenant dans le domaine de l’éducation : administrations de l’État concernées (éducation nationale, sports, jeunesse, éducation populaire et vie associative, culture, famille, ville...), associations, institutions culturelles et sportives, etc.

Le PEDT renforcera l’engagement de ces différents acteurs. Son but est de tirer parti de toutes les ressources d’un territoire et de permettre une cohérence entre l’enseignement et le périscolaire.

Sur quels moments ce projet sera élaboré ? Qui y sera vraiment invité à sa rédaction ? Augmenter le nombre d’intervenants dans l’école peut provoquer de nombreuses discordances. Les grandes communes pourront tirer parti des ressources de son territoire, mais qu’en sera-t-il dans des communes pauvres ou isolées géographiquement ?

Le budget des écoles ne se ferait plus en fonction du nombre d’enfants, mais en fonction du respect du « contrat d’objectifs ».

 

Rythme de l’enfant et les contraintes de la mise en place de la réforme :

Cette réforme se base sur un constat : des journées trop chargées pour les enfants.

Si l’on allège ces journées en heures d’enseignement, elle n’en sera pas moins longue pour autant, puisque l’état s’engage à une prise en charge jusqu’à 16h30 au moins.

La semaine serait même alourdie puisque les enfants auront une demi-journée supplémentaire de présence à l’école.

Les activités périscolaires seraient proposées soit sur une longue pause méridienne soit à partir de 15h45.

Or, les rapports de l’AMF (Association des Maires de France) montrent la difficulté de mise en place de ce projet, le manque de moyens, à la fois financier, humain et associatif. Les maires auront alors le choix entre le mercredi et le samedi, la longue pause méridienne ou la journée raccourcie… Ou sont les fameux rythmes de l’enfant dont parlent les chrono-biologistes ? Il n’est question que de budget !

D’ailleurs, le budget alloué aux communes pour les écoles est suffisant uniquement pour l’année de mise en place de la réforme. Qu’en sera-t-il les années suivantes ? Qui financera les différentes activités périscolaires ?

Pour répondre à ce problème budgétaire, le taux d’encadrement des enfants a été augmenté ! On passe d’un adulte pour 14 enfants de moins de 6 ans (donc avec des enfants de 2 ans, maintenant), contre un pour 10, et d’un adulte pour 18 enfants de plus de 6 ans, contre un pour 14.

On peut donc remettre en doute la qualité de l’école, sa gratuité et son égalité.

 

Les intervenants de cette réforme auprès des enfants :

Les enfants se verront proposer des activités culturelles, artistiques et sportives par… Qui ? Les personnes intervenantes ne sont pas nommées. Par les animateurs ? Les surveillants ? Des intervenants extérieurs ? Un personnel qui peut être très bien qualifié, comme pas du tout…

On peut y percevoir un risque d'externalisation des disciplines scolaires à des intervenants du périscolaire. Les enseignants seront-ils réduits à enseigner les « compétences » du Socle Commun ?

Si les activités proposées par les enseignants étaient conçues pour TOUS les élèves, qu’en sera-t-il sur le temps périscolaire ? Les enfants choisiront-ils leurs activités ? Auront-ils accès à ces trois catégories d’activités ?

Les enfants pourront donc, dans leur journée morcelée, se trouver face à un animateur, un surveillant, un intervenant extérieur (d’une association, par exemple), un enseignant. Cela peut se trouver très déstructurant pour un enfant fragilisé.

 

Le projet de loi : questions à venir.

Si le décret ne traite que des rythmes scolaires, le projet de loi soulève d’autres questions :

  • Quelle formation pour les AVS s’occupant d’enfants handicapés ?
  • Quels programmes, formation, locaux pour l’accueil des moins de 3 ans ?
  • Quelle formation de qualité pour les enseignants qui seront formés pour l’école maternelle à l’université ?
  • Pourquoi ne pas revoir les rythmes de façon annuelle plutôt qu’hebdomadaire ?
  • Pourquoi faire entrer davantage d’intervenants dans les écoles, si ce n’est pour brouiller le rôle de chacun ?
  • Le rôle de l’Ecole sera-t-il d’ « accroître la compétitivité de son pays » ?
  • Le rôle de l’enseignant sera-t-il de former des « personnels qualifiés dont l’économie et les secteurs d’avenir [de la France] ont besoin » ?

 



L’application du décret serait prévue pour la rentrée 2013, voire 2014.
Les communes prêtes pour la rentrée 2013 se verront allouées d’un budget supplémentaire de 50 euros par élèves, que les communes retardant l’application du décret en 2014 n’auront pas !