Position du Partie de Gauche sur le projet TAV Lyon-Turin

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Ce lundi 3 décembre 2012, les chefs d’état français et italien François Hollande et Mario Monti se réunissent en sommet à Lyon pour parler austérité et conclure le plan de financement de la ligne à grande vitesse reliant Lyon à Turin (TAV).

Le Parti de Gauche a toujours eu le souci du développement du système ferroviaire national et de défense de l'emploi des cheminots. Il défend dans le cadre de la planification écologique le développement du frêt public comme alternative au tout-routier, tout en prônant la relocalisation de la production au plus près des besoins de la population.

Or certes, pour mettre les camions sur les rails, encore faut-il disposer de ces rails. Pour autant, le projet de Ligne à Grande Vitesse Lyon-Turin, qui prévoit à l'horizon 2025 une nouvelle ligne de frêt et transport de voyageurs par 200 km de voies nouvelles incluant le plus long tunnel d’Europe (57 km) nous pose pour le moins question au regard de son impact environnemental, de l'escalade des coûts et de nouveau éléments apparus notamment dans le référé de la Cour des Comptes du 5 novembre dernier.

Ce projet rencontre une opposition forte de riverains de part et d'autre de la frontière, essentiellement axées sur le refus du bétonnage des fonds de vallée, l'inquiétude concernant les terres agricoles, le transport et stockage de dizaines de millions de m³ de déblais toxiques, le risque de modifications des réseaux d’eaux souterraines et des nappes, et la manière dont le débat public a été mené.

Dans un contexte d'austérité généralisée voulue par le gouvernement PS-EELV, ce projet représente des sommes lourdes. Dans son référé adressé à Jean-Marc Ayrault, la Cour des comptes regrette que “le pilotage de cette opération ne réponde pas aux exigences de rigueur nécessaires” sur le plan financier et s’alarme de l’augmentation du coût du projet, passé de 12 milliards d’euros en 2002 à 26,1 milliards selon les dernières estimations du Trésor, « rendant difficile les financements publics dans le contexte actuel”. La Cour constate aussi une « faible rentabilité socio-économique » du projet et pointe les dangers d'un financement non-défini. En conséquence, elle recommande de ne pas “fermer la porte à l’amélioration de la ligne existante” qui a été écartée sans avoir été explorée complètement.

Concernant le report modal que défend le Parti de Gauche, un audit des Ponts et Chaussées pointait en 2003 que la surévaluation du trafic par les promoteurs du projet risquait de favoriser indûment ce projet par rapport à d’autres solutions, et aurait pour effet de capter au profit de l’axe Lyon-Turin des trafics qui auraient normalement transité par la Suisse, ne soulageant pas les tunnels routiers du Mont- Blanc et du Fréjus. Par ailleurs en facilitant la traversée des Alpes, ce projet risquerait d'induire encore plus de camions sur l'axe Lisbonne-Kiev, et de reporter ailleurs le trafic poids lourds.

L'augmentation du trafic routier mise en avant cache un nombre important de camions transitant à vide. Le tonnage des camions à vide représente aujourd'hui sur l'axe Lyon-Turin autour de 14,5 T en moyenne, contre 16 T il y a quelques années. Selon l'Office fédéral Suisse, « le tonnage de marchandises entre la France et l'Italie en 2011 est égale à celui de 1988 dans les Alpes du Nord », et l’augmentation de trafic qui servait à justifier la rentabilité du projet en 2000 s’avère aujourd'hui peu crédible. La Cour des comptes pointe également ce problème : d'après elle la baisse du trafic transalpin par rapport aux prévisions établies en 1990 rend improbable la saturation de la ligne existante envisagée pour 2035.

En résumé, la Cour des Comptes a confirmé dans son référé du 5 novembre tout à la fois la baisse de trafic entre la France et l'Italie, les sous-évaluations et l'absence de maîtrise des coûts, la sousutilisation de la ligne existante et le fait que la saturation de la ligne existante, condition de l'accord franco-italien du 29 janvier 2001, n'était pas acquise.

Enfin, concernant l'argument de l'emploi, dont il est toujours pertinent de s'interroger sur la pérennité outre l'utilité sociale et écologique, les promoteurs du projet parlent de 10.000 emplois sur 10 ans pour l’ensemble du projet, dont 3.500 pour le seul tunnel international au maximum du chantier. Or cela paraît très optimiste au regard des chantiers similaires déjà mis en oeuvre (le tunnel Suisse du St Gothard en 2009 n’a employé que 1.000 personnes au maximum au lieu des 3.000 attendues). Au final, l’exploitation de l’infrastructure devrait permettre la création de 130 emplois durables à partir de 2023.

Le Parti de Gauche demande en conséquence un moratoire permettant la réévaluation du projet sur la base des remarques de la Cour des comptes, d'un contrôle démocratique citoyen accru et par des cabinets indépendants de la maîtrise d'ouvrage.

Il soumet au débat les propositions alternatives suivantes :

  • financement alternatif de l'autoroute maritime méditerranéen avec des bateaux de transport issus des chantiers navals français et la valorisation des infrastructures portuaires : le report sur autoroute maritime des poids lourds circulant sur la côte méditerranéenne réduirait le trafic de 700.000 camions au passage de Vintimille pour un coût 50 fois inférieur au projet Lyon-Turin
  • financement alternatif de l'autoroute ferroviaire Nord-Sud : sillons Espagne-Belgique, Espagne- Allemagne-Suisse de traversée de la France via Lyon avec la rénovation de ces sillons - dont le sillon Lyon-Turin - pour leur permettre la montée en charge.
  • concernant les camions transitant à vide, le Parti de Gauche propose de taxer le tonnage à vide à partir de 16 T puis progressivement jusqu'à 18 T pour accompagner la montée en charge des sillons de ferroutage Nord-Sud.

Ces mesures permettraient à la fois de ralentir fortement la saturation de la ligne Lyon-Turin si celle ci s'avérait réelle en donnant le temps pour évaluer des projets alternatifs, de développer le report modal des marchandises sur le territoire national grâce au ferroutage et au transport maritime, et également de développer de façon importante et pérenne les emplois de la filière de ferroutage française, notamment en Rhône Alpes, dans les ports et les chantiers navals.

Elles seraient une mise en oeuvre concrète de la planification écologique que nous défendons avec le Front de Gauche.