Affaiblir l’État et les fonctionnaires au nom des déficits ? Une mauvaise plaisanterie !

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Marylise Lebranchu, ministre de la Réforme de l’État, de la Décentralisation et de la Fonction publique annonce l'austérité aux fonctionnaires ! Au nom de la sacro-sainte lutte contre les déficits, elle prévoit de les appauvrir. Décryptage.

D'abord des annonces unilatérales dans la presse. La ministre annonce le mardi 18 juin, au micro de France info le gel du point d'indice, non réévalué depuis 2010. Elle tâte le terrain. Les syndicats, s'offusquent à bon droit, et même la CFDT, c'est dire l'impopularité de la mesure ! Ensuite vient la conférence sociale les 20 et 21 juin. Marylise Lebranchu mène les négociations à la table de la « Modernisation de l'action publique », reprenant le nom du programme de réduction du nombre de fonctionnaires, la MAP. Ambiance... Trois sujets sont sur la table : le gel du point d'indice -ce dernier permet de fixer les salaires des agents publics-, le rapprochement du régime des retraites publiques sur celui du privé et la suppression de postes dans les ministères dits « non prioritaires ». Jeudi 27 juin, la Cour des comptes vient en grand renfort ! Il faut absolument trouver 14 milliards d'économies en 2014, 15 milliards en 2015 ! En ne touchant surtout pas aux impôts ! Il faut couper, toujours couper et encore couper, crie à tue-tête Didier Migaud, président de la Cour des Comptes. S'ensuit une pléthore de propositions pour réduire les dépenses publiques. On retiendra le gel du point d'indice, la réduction du volume global des mesures catégorielles et le ralentissement des déroulements de carrière, ou la diminution des effectifs compensée par l'augmentation de la durée de travail ! Étonnement ! Les magistrats financiers préconisent les mêmes mesures que la ministre de la Fonction publique ! Un soutien technocratique de plus, pour légitimer une nouvelle fois des politiques bruxelloises. Un tel manque d'inventivité devient lassant...

Entrons dans le vif du sujet. Pourquoi de telles mesures ? Parce que « la dette publique atteint 90,2 du PIB » répond Didier Migaud, qui se rallie aux théories néo-libérales dont les calculs et les résultats se sont révélés faux et incohérents. En effet le seuil de la dette publique à 90% du PIB n'a pas d'incidence majeure sur la croissance du pays. Qu'à cela ne tienne, Bercy veut limiter la progression de la masse salariale à 1 % entre 2012 et 2015. Or les salaires sont le deuxième poste de dépenses des administrations (268 milliards d'euros). Et certaines augmentent mécaniquement, du fait du « glissement vieillesse-technicité » (150 millions) et de la Garantie du pouvoir d'achat (Gipa), permettant de suivre peu ou prou l'inflation (100 millions). Et il reste 311 millions d'euros de mesures catégorielles pour 2013. L'Etat est bien trop généreux, pensent certains hauts fonctionnaires, pour qui le casse-tête est de savoir où tailler, sans s'attirer les foudres syndicales ! Eurêka ils ont trouvé ! L'augmentation de 1 % du point d'indice coûte 800 millions d'euros à l’État et 1,8 milliard aux trois employeurs publics. Il n'y a qu'à le geler une nouvelle fois !

Marylise Lebranchu a  tout de même prévu de revaloriser les salaires des agents de catégorie C. Quelle bonté que de payer ces fonctionnaires à l'équivalent du SMIC, dont l'augmentation fut de 0,3 % l'an passé !

Pour le reste, la ministre prévoit que les pensions soient calculées en fonction des dix dernières années et non des six derniers mois, afin de rapprocher ce système de celui du privé. La suppression des postes dans les ministères non prioritaires s'inscrit dans le cadre de la Modernisation de l'Action publique (MAP), simple lifting de la RGPP.

Nous refusons catégoriquement cette politique !

Car nous avons le sens du Bien commun ! Et pour l'atteindre, il faut un État capable de remplir ses missions de service public. La gestion sérieuse des finances publiques, c'est celle qui permet à tous de vivre et de s'épanouir correctement. Contrairement à ce que pense l'intelligentsia néo-libérale, en réduisant les salaires et le nombre des fonctionnaires, on ne fait pas montre d'une bonne gestion publique, mais simplement d'un esprit moralisateur et rigoriste !

Économiquement ces mesures sont absurdes ! Le gouvernement veut allier l'austérité, pudiquement nommée le « sérieux budgétaire » et la croissance. Seul hic. On ne voit pas venir les mesures de relance ! Mais l'austérité, ça oui on la voit! Pourtant le PIB ne prend-il en compte le travail des fonctionnaires ? Quand il augmente, c'est aussi grâce aux fonctionnaires ! Toujours plus d'économistes répètent à l'envi que les mesures d'austérité minent la reprise économique. Pourquoi s'entêter ?

Un exemple. Moins d'administrateurs fiscaux, c'est empêcher la lutte contre la fraude fiscale. Donc in fine c'est moins d'argent dans les caisses de l’État. Un autre. Moins de moyens pour les hôpitaux, c'est moins de patients soignés, donc plus de malades, plus de services d'urgences saturés, plus de médicaments consommés, donc un plus grand déficit pour la Sécurité sociale ! On pourrait continuer longtemps.

En quelle langue faut-il le dire ? L'austérité empêche toute relance !

Mais ce n'est pas tout !  5,2 millions d'agents publics seront concernés par le gel du point d'indice, soit 22 % des travailleurs français. Contrairement à ce qu'il se dit souvent, la France se situe dans la moyenne européenne en nombre de fonctionnaires et en dépenses salariales. Avec 90 fonctionnaires pour 1000, la France est au même niveau que le Royaume-Uni, bien connu pour son socialisme !  Et leurs retraites sont équivalentes à celles du privé, malgré un mode de calcul différent. En gelant ce point d'indice, non seulement les payes des agents publics ne rattraperont pas celles du privé, mais elles ne suivront plus l'inflation ! Or 5,2 millions de personnes avec un salaire régulier, ça booste la consommation, ça met les banques en confiance qui, sûres du remboursement, accordent plus facilement des crédits.

Précariser les salariés de la fonction publique, c'est favoriser la récession et encourager le pessimisme ! Sans parler du fait que c'est casser le contrat moral passé entre les fonctionnaires et l’État.

Quel est le réel but de ces réformes? Affaiblir l’État. Depuis le tournant néo-libéral des années 1980, l'on a de cesse de l'attaquer ! Aujourd'hui, ses propres dirigeants organisent sa décomposition ! Et que l'on nous fasse pas le coup de la « justice », avec l'augmentation des salaires des agents les moins payés! On connaît la ruse. Tony Blair et Gordon Brown, les deux instigateurs du New Labour l'ont déjà théorisée. Néo-libéralisme, privatisation des services publics, et aide sociale seulement pour les plus démunis. Les autres, allez vous ruiner en payant des complémentaires privées !

Que faire ? Sur ce point, les syndicats jouent leur partition à l'unisson. La CGT prévoit des actions à la rentrée.

Ensemble, acteurs politiques, syndicaux, associatifs, nous pouvons faire la différence !

Les rassemblements politico-syndicaux des 30 septembre 2012 et 5 mai 2013 nous ont-ils donné le signal ?