Bordeaux : quand la solidarité avec les plus pauvres finance le football professionnel

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Lundi 21 octobre, sous l’impulsion de Stéphane Delpeyrat, vice-président chargé des «Sports, de la Jeunesse et de la Solidarité» et président du groupe socialiste, s’est déroulé un spectacle pathétique. Le Conseil régional d’Aquitaine, réuni en assemblée plénière, a voté un crédit de 5 M€ en faveur de la ville de Bordeaux. Cette somme correspond au tiers de la subvention de 15 M€ que devrait donner la Région pour la construction du Grand Stade.

Le même jour, la presse rapportait les déclarations¹ du président de M6, actionnaire à plus de 99% des Girondins de Bordeaux (GBFC). Nicolas de Tavernost envisageait de quitter le football. La raison ? La taxe à 75 % qui couterait près de 6 M€ à son club. Cette taxe temporaire, 2013 et 2014, concerne toutes les entreprises qui versent des salaires supérieurs à un million d’euros, donc pas seulement les clubs de football. On apprenait ainsi que les Girondins de Bordeaux «comptent 6 à 7 joueurs millionnaires». C’est donc bien les politiques salariales des entreprises que vise cette taxe.

Et pourtant les Girondins de Bordeaux n’ont pas à se plaindre. Contrairement à la ville de Paris tant pour le PSG² installé au Parc des Princes, que pour le Stade Français jouant dans le nouveau Jean Bouin, la ville de Bordeaux exonère les GBFC de la taxe sur les spectacles. Pour être précis, ce sont toutes les activités sportives qui bénéficient de cette exonération³. On comprend vite qu’elle bénéficie essentiellement aux GBFC. Son taux normal est de 8 % des recettes aux guichets. Ne sont pas assujetties les recettes de merchandising, les droits TV. Le taux peut-être porté à 12 %. Loin de porter le taux de la taxe à ce niveau, ne serait-ce que pour participer au financement du Grand Stade, la ville de Bordeaux maintient l’exonération… ! Pertes de recettes fiscales de 1,6 M€ à 3,2 M€ par an⁴, à partir de la mise en service du Grand Stade.

Une majoration de 8 à 12 % du prix du billet justifiée par le financement principalement public du Grand Stade et un accueil dans de meilleures conditions des spectateurs, ne les gênerait pas outre mesure, surtout ceux qui ne payent pas leur billet… ! Au total sur les 30 ans du PPP passé par la Ville de Bordeaux, le manque à gagner serait compris entre 52 et 116 M€ que compenseront tous les contribuables de la Ville de Bordeaux. Estimés en valeur 2015, le manque à gagner serait de 29 à 66 M€⁵. Il représente de une à deux fois les subventions données d’ici 2015 non seulement par le Conseil régional mais aussi par la Communauté Urbaine (15 M€ + 15 M€), dont ces collectivités, à l’instar du Conseil général de la Gironde qui a refusé de subventionner le Grand stade, auraient pu faire l’économie…

Naturellement, les GBFC ont, comme toute entreprise, le droit de disposer d’un outil de travail leur permettant de développer leur activité. Mais qu’ils le payent… !

Une autre raison de ne pas voter cette ouverture de crédit était que la taxe sur les spectacles bénéficie, en théorie, jusqu’à un tiers de son montant au Centre communal d’action Sociale⁶ de la ville de Bordeaux. En décidant de l’exonération de taxe sur les spectacles en faveur des GBFC, la majorité du conseil municipal de Bordeaux prive de ressources son centre communal d’action sociale ou «Quand la solidarité avec les plus pauvres finance le football professionnel».

Appartenait-il au Conseil régional d’Aquitaine, (et à la CUB), de subventionner la ville de Bordeaux alors qu’elle exonère de taxe sur les spectacles les Girondins de Bordeaux ? Oui a répondu, sans hésitation, le président du Groupe socialiste, invitant ses troupes à voter ces 5 M€. Naturellement l’UMP ne pouvait qu’y souscrire. Les élus communistes y ont également succombé, dans le silence.

Ainsi fut fait… Triste politique…

Consultez l'estimation de la perte de recettes fiscales liées à l'exonération de taxe sur les spectacles (pdf)


¹ Le Figaro – 21 octobre 2013
² Le PSG a contesté jusque devant le Conseil constitutionnel l’application de cette taxe que lui impose la Ville de Paris
³ Délibération n° 2001-042 du 9 juillet 2001 du conseil municipal de Bordeaux
⁴ Les GBFC espèrent de 20 à 30 M€ de recettes guichet + recettes VIP dans le nouveau stade. Pour exclure les recettes VIP, nous ne retiendrons que 80 % des recettes telles qu’évaluées par les GBFC et la Ville de Bordeaux dans leur convention.
⁵ Au taux d’actualisation de 4%
⁶ Art. 1566 du Code général des impôts : «Pour tenir compte du droit des pauvres supprimé, les communes sont tenues de reverser aux centres d’action sociale une fraction du produit de l’impôt au moins égale au tiers des sommes perçues.»