L’aventure des Pilpa. David contre Goliath ou comment les ouvriers gagnent contre la finance

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Le Parti de Gauche fut heureux d’avoir reçu les Pilpa lors de sa convention pour les élections municipales qui se sont tenues à Clermont-Ferrand les 12 et 13 octobre 2013.

L’histoire des Pilpa, c’est celle de David contre Goliath ! C’est celle d’une belle aventure ouvrière, d’un collectif ouvrier qui a réussi le tour de force de reprendre son outil de travail et de le transformer en SCOP alors que le groupe britannique R&R IceCream tentait de fermer le site.

Tout commence en septembre 2011. Pour 23 millions d’euros, la coopérative agricole 3A cède sa branche crème glacée Pilpa, créée en 1972, au groupe britannique R & R IceCream, spécialisé dans la vente de glaces.

A l’époque, le glacier anglo-saxon ne se vante pas d’être détenu à 82% par un fonds d’investissement américain, Oaktree Capital Management, fonds de pension américain capitalisé à plus de 74 milliards de dollars. Et pour cause ! Oaktree, rapportait le Financial Times, cité par L’Humanité, est spécialisé dans « les prêts en difficulté, la dette des entreprises ou encore l’investissement de contrôle ». Tout cela s’annonce de bien mauvais augure pour les salarié-es… R & R ne crie pas non plus sur tous les toits que sa dette envers Oaktree s’élève à  593 millions d’euros ! Deux emprunts, l’un de 283 et l’autre de 350 millions d’euros) aux taux importants (+ de 8%) ont menés le groupe à la faillite.

Bref, en se faisant racheter, l’usine Pilpa est bien prisonnière des griffes de la finance.

Sans surprise pour vous lecteurs, mais au grand étonnement des salariés, le glacier annonce la fermeture du site en janvier 2012, prétextant alors de mauvais résultats. Mensonge à peine masqué puisque l’entreprise est plus que rentable ! 123 emplois sont menacés. Une catastrophe sociale dans ce département où le taux de chômage flirte avec les 14% !  Le groupe cherche en fait des rendements rapides pour se désendetter. Tel un vautour, il est à l’affût des moindres entreprises qu’il pourra acquérir pour mieux les dépouiller par la suite.

Pilpa, entreprise plus que rentable, est une cible idéale pour Oaktree. La vendre assurait ainsi d’énormes gains aux financiers sur le dos des salariés ! Le glacier, en bon capitaliste qui se respecte, veut seulement reclasser 8 salariés en France (Finistère, Gironde et Vienne)  et 18 en Europe. Tous les autres devaient rester sur le carreau. La finance, pour les Pilpa, a un nom et une adresse…

Commence alors un terrible bras de fer de plus d’un an, ou les ouvriers, déterminés à garder leur emploi et leur outils de travail, entrent dans un combat sans faille, dont ils sortiront vainqueurs. Pourtant, la lutte a été difficile, les PSE se suivant les uns après les autres. A chaque fois qu’ils gagnaient au tribunal, la direction faisait aussitôt appel. Les salariés n’en sont pas sortis indemnes, mais n’ont jamais lâché l’objectif de reprendre l’entreprise sous forme de coopérative.

Soutenus par la C.G.T., les salariés refusent donc le plan de licenciement de R&R IceCream et contestent sa validité devant le tribunal de Grande Instance de Carcassonne. Ils déclarent alors en avril : « Nous refusons d’être sacrifiés sur l’autel de la finance. Vous avez autour de vous des gens en souffrance qui risquent de perdre leurs emplois, leurs maisons, leurs biens et leur équilibre familial. Y a-t-il donc si peu de cœur dans les hautes sphères de R & R ?"

Bien sur qu’il n’y a aucune décision qui vient du cœur ni de gens sachant faire preuve d’humanisme dans le monde de la finance ! Seuls l’argent et la cupidité sont rois ! Les salarié-es ne sont que variable d’ajustement en fonction des dividendes à verser aux actionnaires.

Mais un jour, la roue tourne, et dans le bon sens, celui de l’intérêt général. En effet, deux jours après la fermeture pour la trêve hivernale, le juge soutient les travailleurs en considérant le soi-disant « plan de sauvegarde de l’emploi » (PSE) insuffisant « au regard des moyens du groupe ».

Audacieux, les Pilpa envisagent la reprise en Scop. Combattifs, ils négocient un plan de licenciement plus favorable ! Pendant ce temps, la production continue. Mais les Pilpa se méfient…Suspicieux à bon droit d’être dépossédés des moyens de production pendant la trêve hivernale, ils surveillent nuit et jour le site et les machines, allant même jusqu’à engager un vigil. Ils savent bien que sans moyens de production, la reprise en Scop devient impossible.

Malgré des négociations tendues et des conflits exacerbés, les salariés obtiennent en juillet 2013 un PSE plus favorable. 80 des 123 salariés seront reclassés en France et une vingtaine à l’étranger. Les indemnités varient entre 25 000 et 100 000 euros d’indemnité par employé, soit une moyenne de 50 000 euros par personne. Chacun d’entre eux recevront également 6000 euros pour démarrer une formation. Ayant obtenu du groupe que le matériel de production soit laissé dans l’usine, une quarantaine de salariés se lancent alors dans la reprise en Scop. La suite des négociations leur permet d’obtenir du groupe 815 000 euros d’aide aux investissements. Une victoire pour les travailleurs, dans ces temps où les défaites syndicales sont malheureusement légion.

Le projet de Scop est lucide. La coopérative «  La Fabrique du Sud »  se concentrera sur le métier historique de l’entreprise : les crèmes glacées et les produits laitiers à base de lait de vache audois, dans un souci du développement économique local et de produits de qualité.

Les 42 employés deviendront actionnaires en apportant environ 11 000 € chacun. La somme en a malheureusement découragé certains. Mais les futurs employés bénéficieront peut-être de 9000 euros pour la formation, au lieu des 6000 annoncés. Le capital apporté sera en partie le fait des indemnités de licenciement.

Lancement officiel de la Scop « La Fabrique du Sud » prévue pour février 2014 ! Une nouvelle aventure commence pour ceux qui ont combattu et battu la finance, qui ont acquis leurs moyens de production et qui s’affranchissent du capitalisme, pour inventer une nouvelle économie, humaine !

A ces résistants, nous souhaitons bon vent  !