La vie communale n'est pas un business !

AddThis Social Bookmark Button

Alors que s'avancent à grands pas les élections municipales, la politique territoriale du gouvernement s'affirme de plus en plus comme une tentative de décliner à l'échelon local tous les préceptes antidémocratiques du néolibéralisme et de l'absurde politique de l'offre. Dans sa conférence de presse, François Hollande a avoué vouloir accentuer la dynamique de métropolisation du pays, dans l'idée de faire surgir de grands pôles économiques compétitifs sur le marché international, en concurrence les uns avec les autres, pendant que le reste du territoire se trouve inexorablement délaissé, sinistré, abandonné. La logique de mise en concurrence du territoire avec lui-même, qui mine l'unité républicaine, s'amplifie d'ailleurs avec l'annonce de dotations supplémentaires pour les régions qui s'engageraient d'elles-mêmes dans des démarches de rapprochement. Objectif du gouvernement : passer de 22 à 15 régions.

Or cette incitation délétère intervient précisément dans un contexte où les dotations aux collectivités territoriales sont amenées à baisser d'1,5 milliard d'euros en 2014 et en 2015 - alors même que de nouvelles compétences ne cessent de leur être déléguées par l’État. Et cela au nom de la fumeuse idéologie de la « compétitivité » : ces coupes sombres financeront en effet le CICE, le crédit d'impôt de 20 milliards indistinctement alloués aux entreprises sans la moindre contrepartie sociale, écologique ou démocratique que ce soit. Manœuvre pernicieuse en vérité, les grandes entreprises gagnant sur les deux tableaux : car pour compenser leur perte de recettes, les collectivités sont incitées à se tourner vers ces mêmes oligopoles via les délégations de service public (DSP) ou les partenariats publics-privés (PPP).

Dans les deux cas il s'agit en fait de déléguer une mission de service public, dont la collectivité a la compétence, à un prestataire privé, qui se rémunère sur le résultat de l'exploitation, les frais de construction ou de maintenance. Dans les fait, cette logique favorise largement les grandes entreprises, seules à pouvoir satisfaire à l'amplitude du cahier des charges, renforçant ainsi les tendances monopolistiques de l'économie au détriment des petits acteurs locaux.

Or, à l'inverse des services publics gérés directement par la collectivité sous forme de régie (qui s'astreignent à couvrir leur coût de fonctionnement), les grandes entreprises privées ont besoin pour se rémunérer de générer de la plus-value ; il faut qu'elles fassent du bénéfice, du profit, des dividendes qui vont ensuite grossir les poches des actionnaires. C'est bien évidemment sur le prix de vente que ce profit se réalise, qu'il soit payé par l'administration publique (PPP) ou directement par les usagers (DSP). Au final, le service coûte donc plus cher, contribue à grever les budgets publics, à accroître les inégalités parmi les administrés et disloquer par la même occasion les liens du vivre-ensemble.

DSP et PPP reviennent par ailleurs à abandonner une capacité d'action publique, c'est-à-dire à entraver le contrôle des citoyens sur leur environnement économique et politique. Elle réduit par conséquent le périmètre des biens communs et exclut toutes sortes de préoccupations civiques, comme le respect de l'environnement ou la transparence des pratiques, pour n'obéir qu'aux logiques aveugles et mercantiles du marché. Résultat : affaiblissement de la puissance publique et recul démocratique.

Pire : malgré des contrats mirobolants, la qualité du service se trouve elle-même fortement dégradée, des retards à la livraison aux dysfonctionnements chroniques. Dans l'Essonne, tout le monde a en tête l'exemple du nouvel hôpital d'Evry : construit par Eiffage (PPP), véritable gouffre financier, émaillés de malfaçons multiples (plus de 8000 !) et présentant des risques sanitaires graves, il a été livré avec plus d'un an de retard, dans un climat toujours incertain, les termes du contrat devant être renégociés prochainement. Dans un autre registre, on peut se demander aussi pourquoi des lieux culturels communaux gérés par DSP, à Metz, Nancy et Nantes, ont pu programmer Dieudonné et lui laisser le champ libre pour déverser ses propos antisémites ? Réponse : parce que Dieudonné fait des entrées, il fait du fric, les prestataires privés se régalent.

A l'agglomération des Lacs de l'Essonne, le choix a été fait de rompre avec cette logique mortifère. Le passage de l'eau sous régie publique est un succès. Le réseau de distribution de l'eau est déjà public depuis le 1er janvier 2011, et les premiers mètres cubes, indispensables à la vie quotidienne, sont gratuits. Mais en plus, grâce à un partenariat public-public historique entre Eau de Paris et la régie Eau des Lacs de l'Essonne, une eau de source publique coulera dans les robinets de Viry-Chatillon dès ce mois de février (et au plus tard en 2018 à Grigny). Le prix au mètre cube va ainsi passer de 89 à 42 centimes. Aboutissement d'un beau travail d'éducation populaire et d'implication démocratique, initié en juin 2010 par une votation citoyenne, l'accès de tous à un bien commun essentiel est ainsi garanti pour au moins 30 ans.

C'est cet engagement concret dans la gestion publique des biens collectifs que portent les élus et les candidats du Parti de gauche dans les échéances électorales décisives qui se tiendront les 23 et 30 mars 2014."