Hollande veut faire disparaitre la République

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Hollande, c’est Houdini ! Après avoir cherché à faire disparaitre la Gauche, le voilà qui, dans une interview à la presse quotidienne régionale à paraître mardi 3 juin, entend supprimer 101 départements et plus de 36.700 communes ! Mais tout n’est qu’illusion car le Président rejette par avance un possible échec sur les citoyens et les élus de la République qui ne voudraient pas s’y plier. Où quand un Président délégitimé veut enterrer la République pour mieux ressusciter.

La succession des cachotteries d’alcôves aura donc pris fin lundi 2 juin après le cirque d’une ultime réunion à l’Elysée entre François Hollande, Manuel Valls son Premier ministre de combat, Marylise Lebranchu la ministre potiche de la Fonction publique et de la décentralisation, et André Vallini, le secrétaire d’état à la réforme territoriale, fossoyeur de l’indivisibilité de la République. Rien n’y fut bien sûr décidée mais il fallait donner le sentiment d’une réunion au sommet au moment même où la PQR recevait la tribune présidentielle qui dévoilait ce que l’on savait déjà : ce seront donc 14 « super régions » qui seront proposées au débat parlementaire. 14 régions qui visent surtout à mettre en adéquation le réceptacle politique avec les contenus du pacte de responsabilité pour lequel, coïncidence -ou non- des dates, François Hollande a reçu en fin d’après-midi les encouragements de la Commission européenne pour le mener à terme. 14 régions qui sont un paravent commode pour masquer la suppression programmée des départements, la vacuité promise pour les communes, et l’émergence d’intercommunalités comme autant de strates technocratiques déconnectées des citoyens en guise de substitution.

 

François Hollande propose donc une carte de 14 régions : « Demain, ces grandes régions auront davantage de responsabilités. Elles seront la seule collectivité compétente pour soutenir les entreprises et porter les politiques de formation et d’emploi, pour intervenir en matière de transports, des trains régionaux aux bus en passant par les routes, les aéroports et les ports. Elles géreront les lycées et les collèges. Elles auront en charge l’aménagement et les grandes infrastructures. Pour remplir leur rôle, elles disposeront de moyens financiers propres et dynamiques. Et elles seront gérées par des assemblées de taille raisonnable. Ce qui veut dire moins d’élus. ». Voilà donc les régions lancées dans le grand bain de la compétitivité et de la mise en concurrence à l’échelle européenne, la première des compétences qui leur est fixée étant d’ordre économique, celle-ci étant aussitôt complétée par l’emploi et la formation pour mieux promouvoir une vision adéquationniste du territoire en rupture avec l’émancipation comme projet humain quel que soit le lieu de vie. Petits états dans le grand, le président octroie pour ce faire aux régions l’ensemble des compétences en matière de transports et d’aménagement. Et comme de bien entendu des « moyens financiers propres et dynamiques ». Bref, et malgré le flou artistique savamment entretenu, les prémisses de l’autonomie et la certitude de la compétition intra-nationale vers le moins disant-fiscal et social. Demain, l’Irlande française s’appellera Normandie ou Picardie-Champagne-Ardennes (d’ailleurs pour les noms, on repassera…).

Mais François Hollande en profite surtout pour avancer concrètement sur la suppression des départements. Exsangues de compétences avec celles nouvellement attribuées aux régions, les départements ont même vocation à disparaitre formellement : « Dans ce nouveau contexte, le conseil général devra à terme disparaître. La création de grandes régions, et le renforcement des intercommunalités absorberont une large part de ses attributions ». Eradiqués par François Hollande, le nom seul de département devrait rester pour maintenir une structure administrative : « Le département en tant que cadre d’action publique restera une circonscription de référence essentielle pour l’Etat, autour des préfets et de l’administration déconcentrée avec les missions qui sont attendues de lui : garantir le respect de la loi et protéger les citoyens en leur permettant d’avoir accès aux services publics où qu’ils se trouvent. Mais il  devra renoncer à exercer les compétences reconnues aux collectivités». Par jeu d’ombre et de lumière, il est donc immédiatement révélé que les seules compétences du Départements qui sont pas citées pour être transférées sont celles qui vont être le plus directement menacées malgré les dénégations présidentielles : celles relevant du champ social, notamment le RSA, l’aide aux personnes handicapées et âgées, la protection de l’enfance, la prévention sanitaire… Ces sujets ne sont sans doute pas suffisamment centraux pour que François Hollande juge utile d’y apporter une réponse précise, préférant laisser libre court à une République à la carte : « Certaines métropoles pourront reprendre les attributions des conseils généraux et toutes les expérimentations seront encouragées et facilitées ». Après la main invisible du marché, Hollande invente la poigne d’acier des expérimentations, tout en dessinant au passage l’estampe souhaitée : la suppression à marche forcée des conseils généraux sur les 13 aires métropolitaines nouvellement créées.

Car en termes de calendrier, François Hollande est en passe de tomber dans le piège qu’il a lui-même tendu. Là où le Président parlait encore le 6 mai d’accélérer sur le calendrier annoncé par Manuel Valls quelques jours plus tôt lors de son discours de politique générale (suppression des départements en 2021), retour pour éviter le pire à la case départ du fait des difficultés constitutionnelles que la bande d’amateurs qui squatte l’Elysée avait négligé de prendre en considération : « L’objectif doit être une révision constitutionnelle prévoyant la suppression du conseil général en 2020 ». Car de majorité, François Hollande n’en a pas sur le sujet. A moins de finaliser les ponts avec le centre dont il a déjà jeté les bases. Mais après tout, peu importe pour François Hollande, l’après 2017 est un autre jour où la convergence de vue avec la Droite fait que, si ce n’est toi, c’est donc ton frère qui reprendra le travail déjà engagé…la répartition des postes entre amis étant déjà programmé puisque le Président a confirmé la tenue d’élections départementales à l’automne 2015 « avec le mode de scrutin qui a été voté par la loi du 17 mai 2013 », c’est-à-dire celui d’absurdes binômes paritaires sur de nouveaux cantons découpés sur mesure pour préserver l’équilibre des forces entre les tenants du système.

Après avoir dépouillé la Nation de sa souveraineté en la transférant à Bruxelles comme en atteste l’honteux épisode des recommandations budgétaires aujourd’hui, après avoir brisé l’unité et l’indivisibilité de la République en gommant les départements de la carte de France, François Hollande s’attaque désormais aux communes. Le chant du merle flatteur ne doit pas nous tromper. Parce que les communes sont l’échelon premier où s’exerce la citoyenneté, elles doivent pour François Hollande être détruites. Et parce qu’il ne peut pas les faire disparaitre, il entend en faire des coquilles vides et transférer leurs attributions aux intercommunalités : « L’ensemble du territoire national est aujourd’hui couvert par des intercommunalités. Mais elles sont de taille différente et avec des moyens trop faibles pour porter des  projets. Ce processus d’intégration doit se poursuivre et s’amplifier.  C’est le sens de la réforme proposée. Les intercommunalités changeront d’échelle. Chacune d’entre elles devra regrouper au moins 20 000 habitants à partir du 1er janvier 2017, contre 5000  aujourd’hui.  […] L’intercommunalité deviendra donc, dans le respect de l’identité communale, la structure de proximité et d’efficacité de l’action locale ». On ne saurait être plus clair.

Une tribune de la sorte vaut aussi par ses absences. Les services publics bien sûr, habillés comme des généralités pour lesquels il conviendrait uniquement d’en garantir l’accès, loin de la vision dynamique qu’il conviendrait d’avoir pour promouvoir l’égalité et étendre le champ du bien commun. Les agents territoriaux aussi. Quel mépris affiché aussi ostensiblement par le silence de François Hollande envers les 1,8 millions d’agents de la fonction publique territoriale qui vont connaitre le plus grand plan social qu’ait connu notre pays. Imaginons un peu : entre 15 et 20 % d’entre eux sont des contractuels. François Hollande s’apprête à taillader dans cette fonction publique à coups de non renouvellements de contrats et de non-remplacement de personnels partant en retraite. Où l’on revient inéluctablement sur le racornissement du service public et l’accroissement gigantesque des inégalités qui va s’opérer.

François Hollande fait littéralement œuvre contre-révolutionnaire. Là où le peuple s’était doté d’une structure basée sur l’exercice de sa souveraineté en faisant émerger le triptyque Nation/Départements/Communes, François Hollande réalise le vieux rêve libéral en lui substituant le trident Europe/Régions/Intercommunalités dont le peuple est évincé en tant que corps politique mais affirmé en tant qu’individus économiques. Il s’agit donc là d’une agression sans précédent contre les bases mêmes du cadre républicain. En la matière, il est d’usage de dire que le contenant définit le contenu. C’est pourtant en définissant d’abord le contenu de sa politique que François Hollande a commencé comme en atteste le pacte de responsabilité. Mais sa mise en œuvre ne peut passer que par la mise en adéquation du cadre institutionnel avec le dogme de la compétitivité. Tel est le fil d’Ariane du quinquennat hollandais.

François Hollande est délégitimé et pourtant il tente un coup de force. La moindre des choses serait que le peuple soit consulté par référendum. A défaut, il serait lui légitime à défendre son droit à pouvoir choisir à chaque niveau la nature de sa représentation et le champ d’exercice de celle-ci. C’est devant les préfectures et sous-préfectures qu’il devrait commencer chaque semaine à l’exprimer. Des jacqueries sont nées pour moins que ça. Des révolutions aussi.