Intervention sur le nouveau budget régional

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Membre de la commission des finances, j’ai assuré pour mon groupe l’intervention dans le débat général sur le projet de budget discuté ces trois jours durant au Conseil régional d’Ile-de-France.

Mes chers collègues,

Nous pouvons au moins nous accorder sur un point : tout budget se fait sous contrainte.

Quelle est la contrainte la plus urgente, la plus violente, la plus universelle, la plus vitale à laquelle nous faisons face ? C’est celle qui découle du fait qu’au moment où nous discutons de ce budget, le 18 décembre 2013, cela fait maintenant 120 jours que l’humanité a commencé à consommer davantage de ressources que ce que la planète est capable de renouveler. 3 mois et 29 jours que nous avons passé ce jour du dépassement qui tombait le 20 août dernier, journée à partir de laquelle nous savons que nous sommes en train de compromettre l’avenir, alors même que l’année n’est pas terminée.

Voilà la courbe qu’il faut regarder. En 2009 le jour du dépassement tombait le 7 septembre. En 2000 c’était le 8 octobre. En 1980 il tombait le 8 novembre. En 1970 il suffisait d’une terre pour faire vivre l’humanité alors qu’aujourd’hui il en faudrait une et demie. Et comme vous le savez la moitié qui manque n’existe pas.

Cette évolution est une évolution humaine. Ce n’est pas une évolution naturelle. C’est la conséquence du libre-échange, c’est la conséquence du productivisme. C’est la conséquence de cette politique de l’offre dont le président de la République nous parle comme d’une trouvaille alors qu’elle a dominé toutes ces années. La politique de l’offre, c’est-à-dire produire, produire toujours davantage non pour résoudre des besoins humains mais pour maintenir la dynamique d’accumulation capitaliste.

Voilà la contrainte principale à laquelle nous faisons face et qui devrait aujourd’hui nous motiver. Non pas comme un objectif hors d’atteinte mais comme une raison de plus pour les élus que nous sommes de développer l’intervention publique, de faire reculer la logique du marché, de faire reculer la logique du productivisme, du consumérisme, en permettant par nos délibération à l’intérêt général de prévaloir dans des secteurs de plus en plus nombreux de l’activité humaine. Hélas c’est le mouvement inverse que nous avons sous les yeux. C’est le mouvement engagé sous l’empire de la finance, de réduction de l’intervention publique, de réduction des budgets publics, de réduction de l’Etat, de réduction de la solidarité. Un mouvement auquel nous n’échappons pas. Notre région est ainsi confrontée comme les autres à un processus de lente asphyxie financière.

J’en rappelle les éléments au chapitre des recettes : la baisse des dotations, la baisse des recettes fiscales, l’augmentation de la péréquation. Ces évolutions nous impactent cette année et nous impacteront encore plus les années suivantes si nous sommes incapables de les arrêter. Sans parler de la TVA qui, elle aussi, frappera notre région et notamment les moyens pour les transports.

Face à cela, que faire ? Et face à cela que faites-vous ? Au premier abord on pourrait penser que vous ne faites rien. Mais ce n’est pas vrai. On ne fait jamais rien. Ne rien faire c’est déjà faire quelque chose.

D’abord vous consommez activement des provisions. Vous ajoutez aux recettes 79 millions d’euros pris sur la CVAE perçue cette année, en profitant d’un décalage avec les prévisions incompréhensible d’après les services de Bercy, alors même que l’année prochaine on nous annonce une baisse de 7,6% de la CVAE. Vous prenez 60 millions sur la provision constituée en 2010 pour lisser l’augmentation de la charge de la dette sur les 5 années suivantes. Sur une seule année vous utilisez 60 des 80 millions prévus pour 5 ans, alors que l’augmentation de la charge en remboursement du capital pour l’année prochaine est considérable. 140 millions d’euros de recette exceptionnelles liées à des provisions dont il ne restera presque rien. Vous avez donc choisi un affichage suggérant que la situation n’est finalement pas si grave mais ce n’est qu’un expédient temporaire que nous aurons à payer dès l’année prochaine.

Vous fixez ensuite le montant de la TICPE, la taxe sur les produits pétroliers, au maximum, malgré le caractère injuste de cet impôt.

Vous renoncez au bras de fer avec l’Etat sur les sommes qu’il nous doit. C’était un marronnier budgétaire au temps de Sarkozy. Voici venu Hollande, cette dette se creuse chaque année : cela fait plus de un milliard et demi tout de même, mais vous avez abandonné toute exigence sur cette somme.

Vous acceptez par avance toujours plus de compétences transférées avec sans doute l’idée qu’en grossissant la masse générale du budget vous diminueriez la part de nos déséquilibres financiers.

Tout ceci nous le récusons parce que nous pensons qu’il serait possible de faire autrement. Nous pensons que nous pouvons mener un bras de fer avec la logique d’austérité du gouvernement, pour peu que nous associions le peuple à ce combat. Faire des courriers c’est bien, mais vous n’obtiendrez rien sans en appeler au peuple, par exemple contre la hausse de la TVA. Vous pourriez aussi refuser de financer des dispositifs que l’Etat doit financer : les commissariats par exemple ou encore la BPI qui était censée nous donner des moyens supplémentaires mais dont vous financez divers fonds… et qui nous coûte donc. Pour vous faire entendre, vous pourriez commencer par refuser de suppléer la défaillance de l’Etat.

Notre région serait mieux défendue surtout si vous aviez la volonté de contester l’austérité. Vous avez fait un autre choix. « L’austérité on n’y peut rien » vous dites-vous. Il faut alors que la région Ile-de-France tire son épingle du jeu. Vous participez donc à la logique de concurrence des territoires, en plaçant vos espoirs dans le fait que notre région soit la plus dynamique, notamment sur le marché international ; en cherchant à obtenir des financements exceptionnels, notamment autour du Grand Paris. Mais vous voyez bien qu’en faisant vous affrontez l’ensemble des collectivités non franciliennes qui nous considèrent comme une région riche. Vous n’êtes pas en capacité de créer des rapports de force suffisants et donc de changer la situation dans notre région. Pire encore, vous accompagnez la progression des inégalités territoriales, qui découle de la concurrence des territoires.

Viendra le moment, je l’annonce, où vous contesterez la péréquation en disant qu’elle vous coûte trop cher et que le peuple francilien (pour reprendre l’expression de Mounir Satouri que je désapprouve totalement) n’a pas à payer pour le peuple breton comme le dirait Jean-Marc Ayrault (que je désapprouve tout autant). Ca n’est bon ni pour notre région ni pour notre pays de nourrir de tels antagonismes quand l’urgence environnementale que j’évoquais au début de mon propos devrait nous rassembler.