Acte III de la décentralisation : la part belle aux féodalismes locaux

AddThis Social Bookmark Button

A l'annonce de ce que pourrait être l'acte III de la décentralisation, les élus du Parti de Gauche ont bien des inquiétudes à formuler. Les récentes déclarations des membres du Parti Socialiste, et notamment du Président de la République François Hollande à ce sujet, fixent un cap avec lequel nous sommes en total désaccord.

Nous ne voulons pas d’un retour à l’Ancien Régime avec des provinces, fiefs de barons locaux, loin d’une élaboration républicaine de l’intérêt général.

Sous couvert de concertations avec les élus locaux, les conclusions tirées lors des États-Généraux de la démocratie territoriale les 4 et 5 octobre sont toutes d'obédiences libérales. Remise en cause de la loi, de l'égalité sur tout le territoire de la République, réduction des coûts de fonctionnement des collectivités locales et donc du service public, simplification des compétences (justification des baisses de dépenses...), etc.

Non, la loi n'est pas le «mal». La norme n'est pas une « contrainte ». Elles sont décidées par les représentants du peuple et sont destinées à s'appliquer à tous. Elles ne ralentissent pas l'action du service public, elles l'encadrent afin que chacun, quelle que soit la région dans laquelle il vit, soit concerné.

Nous ne pouvons accepter que la loi diffère selon l'endroit où on vit en France. La République est une et indivisible. Qui plus est, la gauche a toujours fait de cette citation d'Henri Lacordaire « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit » un moteur de son action politique.

Nous, élus locaux, savons que les normes tant décriées représentent pourtant, quand elles sont votées par les représentants du peuple, la sécurité dans nos établissements qui accueillent des enfants, les conditions de recyclage de nos déchets, le transport des usagers, la qualité de l'eau que l’on  fournit, etc. Nous savons également que la qualité des services rendus dépend déjà trop largement de la richesse des collectivités publiques qui administrent un territoire.

Cette nouvelle loi de décentralisation renforcerait ces inégalités. Pire, elle mettrait en concurrence les territoires.

L'évocation d'un « chef de file » pour des collectivités maillant un même territoire introduit une grave remise en cause du suffrage universel. « A chaque grande politique correspondrait une seule autorité qui fixerait les modalités et l’action qui peut être déléguée à d’autres collectivités » : quel sera alors le pouvoir des élus locaux qui seront désormais les subalternes d'autres élus locaux, remettant en cause le principe constitutionnel de non tutelle d’une collectivité sur une autre?

C'est une République à géométrie variable qu'on nous propose d'instituer. L'unité de la République et l'égalité territoriale sont mises en péril, faisant le jeu des politiques libérales les plus favorables à la finance et au capital.
Les élus du Parti de Gauche pensent qu'au contraire, une nouvelle loi sur la décentralisation devrait revenir sur les dispositifs mis en place par la droite, qui favorisent l'émergence de barons locaux, favorisent la concurrence entre territoires et appauvrissent le service public, plutôt que d'approfondir ce processus.
Ainsi le principe qui doit guider le transfert de nouvelles compétences est celui de l’intérêt général et non la volonté de certains élus locaux tentés de s’approprier une part toujours plus importante des leviers de décisions. Ainsi, en matière d’éducation, nous nous opposons aux transferts des lycées professionnels et de l’orientation aux régions. Plus globalement, le bilan des précédents transferts de compétence doit être mené.

Un acte III de la décentralisation devrait rester dans la volonté de celle qui a procédé au 1er acte, en 1982 : rapprocher la décision politique du citoyen. Il serait temps de favoriser l'implication populaire, notamment en ce qui concerne les grands choix d'orientation stratégique d'aménagement du territoire. C'est cette décentralisation là que nous appelons de nos vœux, tentons de mettre en place là où nous en avons les moyens, et proposons lorsque nous ne sommes pas majoritaires.