Budget Paris : pourquoi nous ne voterons ni le volet recettes ni le volet emploi !

AddThis Social Bookmark Button

Je vous le dis solennellement, Alexis Corbière et moi-même, à minima, nous ne voterons ni le volet recette, ni le volet emploi de ce budget. Sachez que nous mesurons bien la gravité de notre décision politique.

Cette année, le budget ne peut être abordé uniquement par comparaison avec le précédent. Nous avons changé de majorité nationalement. Pendant toutes les années précédentes, nous étions dans un cadre contraint, imposé par les gouvernements de droite. Et nous résistions ensemble pour en dénoncer les conséquences pour les parisiennes et les parisiens.

Aujourd’hui qu’en est-il ? Où en est-on du changement tant annoncé ?

Les années précédentes, nous commencions par dénoncer la dette cumulée de l’Etat vis à vis de la collectivité parisienne du fait notamment des transferts de compétences non compensées. Cette année, vous avez décidé de ne plus la revendiquer. En décembre 2011, Monsieur le Maire, vous estimiez cette dette à 1,3 milliards d’euros. 1,3 milliards vis-à-vis d’un budget de 7 milliards, c’est une somme conséquente !

Vous nous avez expliqué qu’on ne pouvait demander au Président Hollande de régler les dettes de Sarkozy. Mais il y a une continuité de l’Etat ! S’il était légitime d’exiger cette somme hier pourquoi cela ne le serait-il plus aujourd’hui ? Les élu-e-s EELV et socialistes, nous expliquent que vu la crise, il serait indécent de réclamer cette somme, les finances de la Ville de Paris étant plus confortables que celles d’autres collectivités. Mais la crise était déjà là hier, et d’autres départements rencontraient déjà ces difficultés !

Face aux inégalités de territoire, le gouvernement aurait pu choisir d’augmenter la péréquation verticale : donner plus de dotations de l’Etat aux collectivités qui en ont le plus besoin du fait de leurs faibles recettes et de leurs besoins sociaux conséquents. Et bien non ! Le gouvernement a choisi d’organiser une péréquation horizontale : il prend aux collectivités considérées comme riches pour les donner aux collectivités considérées comme pauvres. Mais les critères sont tellement injustes que Neuilly et Nanterre vont contribuer aux solidarités de la même manière ! Bref, c’est une péréquation de l’austérité qui s’organise.

Parce que notre ville est également capitale, nous avons les moyens de peser bien plus pour dénoncer l’impasse de ces politiques d’austérité. Quand certains dirigeants de collectivités peuvent n’avoir que le recours à la grève de la faim, nous avons, nous, si nous en avons la volonté, le pouvoir d’exiger pour l’ensemble des collectivités et pas seulement la nôtre, que les compétences transférées soient accompagnées des moyens correspondants. Au moment où se prépare l’acte 3 de la décentralisation, c’est une terrible erreur politique de ne pas organiser le rapport de force pour l’augmentation des dotations d’investissement et de fonctionnement aux collectivités et la redéfinition de critères justes des modalités de péréquation.

Aussi, n’occultons pas les grandes inégalités parisiennes. Plus de 11,7% des parisiens vivent sous le seuil de bas revenus de 955 euros par mois. Plus de 10 000 parisiens sont SDF. Monsieur le maire, vous avez à juste titre rappelé au gouvernement les responsabilités de l’Etat concernant les mineurs isolés, l’aide à la pierre et l’hébergement d’urgence. Mais dans les faits, les engagements ne sont pas à la hauteur des besoins, y compris pour Paris !

Le gouvernement a décidé de poursuivre le gel des dotations aux collectivités et de les baisser de 1,5% pour l’année suivante. Le budget d’austérité voté par le parlement est deux fois plus élevé que les plans de rigueur de Fillon de 2011. En plus des coupes dans les différents ministères, il impose aux collectivités d’appliquer à leur tour l’austérité. Et de fait, ce budget de la Ville et du département de Paris accepte de s’y soumettre, ce que nous récusons.

C’est une terrible impasse. Vous ne rassurerez pas les marchés financiers et leurs agences de notation qui demanderont toujours plus de profits, de baisse des dépenses publiques. Vous ne sortirez pas le pays de la crise en forçant les collectivités à réduire à leur tour leurs dépenses d’investissement et leurs dépenses de fonctionnement. Nous ne pourrons dans ces cadres budgétaires contraints engager les investissements nécessaires aux transitions écologiques, comme l’exige notre plan climat dont nous parlerons demain. Nous ne pourrons relancer l’activité et lutter contre la montée du chômage. Nous ne pourrons assumer toutes les solidarités nouvelles et les efforts attendus en matière de développement des services publics. Au contraire. La récession généralisée est au bout de cette impasse de l’austérité. La crise n’est pas passagère, elle est étroitement liée au système même de financiarisation galopante de toute notre économie. Cessons de nous y soumettre !

Mais revenons à Paris. Lors du vote du budget supplémentaire en juillet 2012, la baisse de la dotation globale de fonctionnement était déjà estimée à 21,5 M€ par rapport à la prévision du budget primitif 2012. Le gel des dotations en 2013 devrait se traduire par une baisse de 3% des dotations de l’Etat, dont 40M de baisse de la Dotation générale de fonctionnement. A cela s’ajoute le fait que l’Etat n’a pas encore versé à la Ville le montant des crédits- déjà amplement amputés- au titre de la délégation de compétence des aides à la pierre.

Alors certes, cette année, les recettes de la ville (dont certaines sont à un coup, comme les ventes de patrimoine, d’autres aléatoires l’année d’après comme les droits de mutation) lui permettent de maintenir un affichage d’investissements et de dépenses de fonctionnement en augmentation. Légères toutefois. Avec des baisses et des renoncements pour nous déjà lourds de conséquences. Et l’année d’après, qu’en sera-t-il ?

Les listes d’attentes pour le logement social ne cessent de s’allonger. Nos droits de mutation nous rappellent suffisamment que la spéculation immobilière continue de faire rage à Paris. Elle exclue chaque année des parisiens hors de la capitale faute de moyens pour s’y loger. Ces droits de mutation doivent être bien plus réinvestis dans le logement. Grâce à la bataille menée par le groupe communiste et des élu-e-s du Parti de Gauche, le compte foncier devrait être abondé de 10 millions d’euros. Il a fallu pour arracher cette somme que notre groupe, menace de ne pas voter le budget.

Concernant le logement, alors qu’il était prévu de comptabiliser 1600 conventionnements de logements sociaux dans les 6000 créations, ce qui de fait revenait à en construire 1600 en moins, vous annoncez aller dorénavant au-delà des 6000 logements par an. Nous sommes favorable aux conventionnements mais il est hors de question pour notre groupe qu’ils soient comptabilisés avec les logements sociaux créés !

Qu’il s’agisse du compte foncier logements ou équipements publics, nous ne pouvons comprendre la frilosité de notre municipalité dans le faible recours à l’emprunt pour les abonder. La Ville de Paris est une des villes les moins endettées de France. Pourtant il peut y avoir de bonnes dettes, celles qui préparent l’avenir ! Alors que nombre de collectivités ont de plus en plus de mal à recourir à l’emprunt, la proposition du gouvernement de faciliter l'accès au crédit via La Banque Postale ne répond aucunement au souhait des associations d'élu-e-s. Hollande avait beau avoir promis de mener le bras de fer contre la finance, c’est l’inverse qui se produit. Son principe est de permettre un financement global du besoin en investissement sur les marchés financiers privés, sous forme d'obligations (ce que Paris fait déjà) et qui n’émancipe pas les collectivités du crédit lucratif. Nous défendons au contraire, la création d’un pôle public bancaire pour aider les collectivités à emprunter sans dépendre des marchés.

Vous le savez, les dépenses sociales types RSA, ASE, AAH sont obligatoires et on ne peut les réduire, heureusement ! Ces allocations auraient du être augmentées par le gouvernement. Le nombre d’allocataires va continuer de croître. La ville mène une politique ambitieuse au-delà de ses compétences en matière d’aides sociales. Mais certaines dépenses sociales facultatives ont été d’ores déjà diminuées dans ce budget et nous le déplorons. Il faut y revenir.

Sur le volet scolaire, nous avons réussi à empêcher la baisse prévue de 300 000 euros du budget alloué aux classes de découverte. Concernant la dotation des collèges, le cap de réduction est maintenu mais dans le même temps celle aux collèges privés est augmentée et on ne peut le comprendre et encore moins l’accepter.

Nous déplorons que depuis 2008, les moyens alloués à la démocratie locale et au soutien associatif n’ont cessé de baisser. Il en est de même des subventions aux associations. On ne peut pas d’un côté valoriser l’enjeu du développement associatif et de la démocratie locale pour au final, en baisser les moyens et en plus, ne pas organiser une seule réunion publique pour associer associations et citoyens à l’élaboration de ce budget.

Il a été demandé à chaque adjoint et direction de réduire ses dépenses. Les nouveaux équipements qui ouvrent auront leur personnel grâce au recours aux redéploiements. Mais à quel prix ? Forcément les conditions de travail des personnels se dégradent et c’est la qualité du service public rendu aux parisiennes et aux parisiens qui en fait les frais. Aux 280 emplois de fait supprimés par les redéploiements, s’ajoutent la suppression de près de 350 contrats aidés expérimentés, qui n’ont ni été transformés en CDI, ni fait l’objet de titularisation. Ils occupaient pour la plupart des emplois permanents.

Le pire étant à venir, quand l’an prochain les baisses de l’Etat seront plus conséquentes… Les personnels de la Ville de Paris deviennent la variable d’ajustement des politiques budgétaires d’accompagnement de l’austérité. Les mobilisations des personnels des dernières semaines ont pourtant révélé des problèmes de sous effectifs et de dégradation des conditions de travail subis par les agents titulaires et les nombreux précaires. Monsieur le maire, il faut en finir avec le dogme de la non augmentation des effectifs ! Nous devons également témoigner de plus d’ambition sur la déprécarisation des personnels. La situation à la Ville, dans les caisses des écoles et dans les établissements municipaux rattachés est inacceptable !

Certes, ce budget n’est pas en soit un budget d’austérité car la ville aujourd’hui a les moyens de mieux résister que nombre d’autres collectivités. Par notre bataille nous avons réussi d’ores et déjà à le modifier. Mais c’est un budget qui de fait accompagne l’injonction gouvernementale de mener des politiques d’austérité, et pèse d’ores et déjà lourd notamment sur nos politiques en direction des personnels de la ville. Voilà pourquoi, pour la première fois à minima, nous ne voterons ni le volet recettes, ni le volet emploi de ce budget.

Je vous remercie.