Rapport parlementaire Lesage sur la politique de l'eau

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Des bonnes idées qui ne seront jamais appliquées !

En juillet 2013, Michel Lesage, député PS des Côtes d'Armor, a remis son rapport au Premier ministre, qui l'avait mandaté pour évaluer la politique de l'eau en France, et élaborer des propositions. Sur plus de 200 pages, le parlementaire élabore, une fois n'est pas coutume, une vision à la fois innovante mais consensuelle, sur la politique à mener, qui remet l'Etat stratège et la démocratie au cœur de la gestion de l'eau. Espérons que ce rapport ne finisse pas dans un placard, comme bien d'autres avant lui !

Tout d'abord, l'orientation principale est celle d'un retour de la puissance publique dans la gestion de l'eau, sur le plan national ou local. Sans jamais évoquer le mot de « planification », le député Lesage esquisse tout de même ce que pourrait un Etat stratège. Fidèle aux principes sociaux-démocrates du Parti socialiste et la doxa libérale de la Commission européenne, il n'envisage cependant pas un grand service public de l'eau, débarrassé des multinationales. Il prévoit seulement d'encadrer les pratiques, dans un souci de régulation du secteur.
Ainsi, il appelle à la création d'une autorité nationale de l'eau, et d'autorités administratives indépendantes dotées de pouvoirs de régulation, capables de prévenir les conflits d'intérêts, mais aussi de promouvoir la transparence. Il souhaite inclure tous les acteurs dans un grand plan national, et de la sorte faire de la concertation un moyen de gouvernance permanent. Mais il envisage un réel pilotage de l'Etat qui organiserait et coordonnerait les grandes orientations.
Sur le plan local, il désire la création de commissions locales de l'eau, regroupant tous les acteurs, l'intégration dans les SAGE (schémas d'aménagement et de gestion des eaux) des bassins versants. Pour éviter toute pénurie et sécheresse, il reprend le concept d' « hydrosolidarité », gouvernance commune assurant une sorte de péréquation entre territoires dans le domaine de l'eau. Enfin, il appelle de ses vœux une ingénierie publique décentralisée, capable d'épauler les collectivités dans leur gestion, sur le volet technique notamment.

Le député souhaite également repenser le modèle économique. Selon lui, le principe « l'eau paie l'eau » arrive à bout de souffle, compte tenu de la baisse de la consommation des ménages et des surcoûts notamment dus à la pollution. Il n'est pas question pour lui d'envisager de gratuité pour les premiers mètres cubes d'eau, contrairement à ce que nous pratiquons aux Lacs de l'Essonne ou à Barbaste. Il évoque alors des mesures préventives en termes sanitaires en amont, le développement d'une fiscalité écologique sur les entreprises industrielles, du bâtiment ou sur les agriculteurs. Si le principe est louable, il est cependant nécessaire de ne pas pénaliser les travailleurs indépendants comme les agriculteurs. Il faudrait plutôt taxer les grandes entreprises ou les grands groupes agro-alimentaires qui contraignent ces derniers à la compression de leurs coûts, ce qui explique le productivisme à l’œuvre dans l'agriculture française. En effet, ce sont surtout elles qui polluent l'air, les eaux, les sols, mais qui ne paient pas ou peu de taxes. Michel Lesage évoque également le principe d'une fiscalité locale de l'eau, avec des taxes dont pourraient s'acquitter les propriétaires des cours d'eau, mais aussi l'idée d'une banque publique et des financements participatifs. Il rappelle le travail de la municipalité parisienne avec les agriculteurs pour modifier leurs pratiques, ou avec sa pratique d'acquisition de terrains agricoles loués à des fermiers spécialisés dans l'agriculture biologique. Ainsi il esquisse une tarification environnementale: soit saisonnière ( plus l'eau est rare et la consommation élevée, plus elle est chère), soit « verte » qui suppose une hausse de la facture due à l'engagement écologique des agriculteurs. Enfin, il reprend l'idée d'une tarification incitative, où le montant de la facture augmente avec la consommation d'eau, ce que nous pratiquons aux Lacs de l'Essonne et à Barbaste.

Un autre élément mérite d'être souligné. Le député souhaite politiser et démocratiser la gestion de l'eau. La politiser parce qu'il avance que le Parlement et les élus locaux doivent se saisir de cet enjeu et s'impliquer réellement. La démocratiser, parce qu'il envisage un quatrième collège, au sein de l'agence nationale de l'eau comprenant les associations. Ainsi, la fameuse « société civile » ferait son entrée. Il dessine ainsi les contours d'une gestion délibérative de l'eau, incluant l'Etat, les élus nationaux et locaux, les associations, et les citoyens. C'est évidemment intéressant : politiser et démocratiser la gestion de l'eau peut à mettre à jour les mauvaises pratiques et donc les bannir et favorise donc la transparence.

La question écologique, également évoquée, est transversale. Conformément à la directive-cadre de la Commission européenne, Michel Lesage interpelle quant à la nécessaire prise en compte de l'environnement dans les politiques publiques, dans les domaines agricoles ( taxes et incitations), de la protection de la biodiversité (continuité écologique des cours d'eau, prise en compte des zones humides dans les SAGE). Néanmoins, nous sommes loin d'une politique écologique cohérente et assumée, telle que nous l'appelons de nos vœux avec la planification écologique.

Nous évoquions la directive européenne. Tel un bon élève, le député ne semble pas remettre sa légitimité et ses principes. Bien que sur le plan environnemental, la directive aille dans le bon sens, elle demeure scandaleuse concernant le modèle économique qu'elle préconise. Elle entrevoit l'idée de marché de l'eau ! Il était du devoir de M. Lesage de dénoncer cette orientation de la Commission européenne, comme nous le dénonçons nous-mêmes.

Michel Lesage a évoqué des pistes intéressantes. La Gauche par l'exemple demeure néanmoins sceptique quant la prise en compte dudit rapport par le gouvernement.