Le nouveau découpage cantonal prévu pour 2015

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Monsieur le Président, mes chers collègues,

J’avais initialement prévu d’adresser cette supplique à Monsieur le Préfet lors de notre session de septembre. Mais comme, pour d’obscures questions de calendrier nous a-t-on dit, cela n’était pas possible, je le fais maintenant, en ayant bien conscience toutefois que notre « droit de remontrances », puisque c’est bien de cela qu’il s’agit, sera beaucoup trop tardif pour être efficace. A l’identique de ce qui s’était passé d’ailleurs en 1789. Et, avec les conséquences que l’on sait…

Avant toute chose, et afin qu’il n’y ait pas d’ambigüité, je tiens à préciser que, si j’ai voté précédemment contre le découpage qui nous est proposé, mon vote ne remet pas en cause la nouvelle loi électorale approuvée par l’Assemblée nationale, car elle recueille mon entière adhésion.

Tout d’abord, je soutiens le principe du binôme, pour la raison suivante. Au risque de me répéter, je voudrais rappeler que la parité homme-femme, n’a connu une avancée significative au sein des Conseils municipaux et des conseils régionaux, qu’à partir du moment où les hommes politiques ont été contraints par la loi, d’alterner systématiquement un homme et une femme pour constituer leur listes électorales. D’où son nom de loi « chabadabada ».

En revanche, on le sait aussi, du fait du scrutin uninominal à deux tours, actuellement en vigueur pour élire les Conseillers Généraux, la parité est loin, très loin d’être atteinte au sein de nos assemblées. C’est pourquoi l’instauration d’un binôme cantonal pour parvenir à un tel résultat, la prochaine fois, me parait une disposition à la fois innovante et particulièrement efficace.

Il est d’ailleurs fort regrettable, soit dit au passage, que nos parlementaires n’ait pas envisagé de s’appliquer à eux-mêmes un tel système, car au Palais Bourbon comme au Palais du Luxembourg, coté parité, vous le savez, il reste aussi beaucoup à faire.

Pour autant, il ne faut pas se cacher que dans son application, le principe du binôme risque de conduire, si la loi n’y prend pas garde, à des situations confuses, voire carrément inextricables, aussi bien sur le plan humain que politique. J’en suis pleinement conscient.

Mais, si une telle crainte est parfaitement légitime, elle n’est en aucune façon une raison suffisante pour jeter le bébé avec l’eau du bain ! Et, à l’adresse de tous les scrongneugneus de scrongneugneus qui la contestent, je le redis avec force, je souhaite qu’advienne enfin en 2015, la parité des femmes au Conseil Général !...

En second lieu, je tiens également à réaffirmer le fait que, fonder le découpage des futurs cantons sur la base d’un corps électoral qui sera partout de même taille, c'est-à-dire 20.000 habitants, avec une modulation de 20% en plus ou en moins, constitue à mes yeux dans un système politique représentatif tel que le nôtre, un critère éminemment démocratique et égalitaire !

Cependant, vous le savez également, mes chers collègues, là comme ailleurs, un bon principe, peut hélas conduire à faire parfois une bien mauvaise politique. Et c’est ce qui se produit avec le découpage qui nous est présenté. Ce que je vais vous montrer.

Ce découpage, faut-il le rappeler, a été mené sans aucune concertation que ce soit avec les conseillers généraux ou avec les maires ! Le seul interlocuteur du Préfet ayant été, nous dit-on, le Premier secrétaire fédéral du Parti socialiste Puydômois. Ceci expliquant sans doute cela, comme vous pourrez le constater plus loin.

Je laisserai le soin aux élus de mon groupe, de se livrer à l’analyse du redécoupage cantonal qui nous est proposé sur l’ensemble du département du Puy-de-Dôme.

Pour ma part, en tant qu’élu de Clermont-sud, je vais m’en tenir à commenter celui qui concerne seulement la capitale auvergnate intra muros.

Autant vous dire que j’ai été immédiatement stupéfait par l’aspect surréaliste, pour ne pas dire ubuesque, du projet élaboré par le Ministère de l’Intérieur. Les dispositions que j’y découvrais me parurent tellement énormes que je me suis demandé durant un instant, ce que pouvait signifier un exercice aussi extravagant, de la part de haut fonctionnaires, tous triés sur le volet, tous en provenance d’écoles prestigieuses et dont le sérieux est aussi remarquable que celui des top models défilant lors d’une fashion week. Ce qui n’est pas peu dire !

Alors, pour y voir plus clair et découvrir le « Dark side of the moon » (la face cachée de la lune ),du découpage qui nous est proposé, je me suis efforcé d’analyser celui-ci en me penchant avec attention sur les détails. C'est-à-dire là où, comme on le sait, se cache le diable, en général.

A cette fin, j’ai procédé à la façon du journaliste Jean-Christophe Victor dans son émission bien connue: « Le dessous des cartes ».

Tout d’abord, j’ai juxtaposé le présent découpage que nous propose le Ministère, avec celui des actuels cantons de Clermont. Et, à ce titre, je dois le dire, l’excellent travail effectué par les infographistes du journal « La Montagne », m’y a grandement aidé. Qu’ils en soient loués.

En second lieu, je me suis évertué à colorier chaque canton actuel, selon l’appartenance politique revendiquée par l’élu qui le représente au sein de notre assemblée. Et je vous invite d’ailleurs mes chers collègues, à faire de même en ce qui concerne vos secteurs respectifs. Vous verrez, c’est très instructif.

A partir de cet instant, la juxtaposition de ces trois cartes m’a révélé des aspects tellement lourds de sens, que je ne résiste pas à la tentation de vous les narrer.

Si vous regardez la carte du redécoupage clermontois, vous ne pouvez être qu’interpellés d’emblée, comme moi, par l’immense tâche jaune constituant le futur canton de Clermont 2, qui correspondra carrément, sur le plan territorial, à la moitié de la surface de la ville !

Or, est-ce un pur hasard, si ce même nouveau Canton, est celui dans lequel se situent pour l’essentiel, les anciens cantons détenus par des élus qui se revendiquent actuellement du Front de Gauche ( c'est-à-dire le Canton-centre de Patricia Guilliot et le Canton Sud, celui de votre serviteur) ou du Parti radical de Gauche (le Canton est, de Mireille Lacombe) ?

Est-ce un pur hasard si ce canton de Clermont 2, est également l’un des seuls qui dépasse le « tunnel » des 20%, au-delà des 20.000 habitants prévus initialement ( puisque avec près de 25 000 habitants, il en est à 22,2% ). Ce qui fera de lui, le canton le plus peuplé du département ?

Est-ce un pur hasard, si ce nouveau canton de Clermont 2 sera l’un des seuls de la Ville à ne correspondre à aucun espace de vie commun, ni à aucune activité associative cohérente ? C'est-à-dire à n’être qu’un découpage totalement artificiel !

Est-ce un pur hasard enfin, si le canton de Clermont-sud (celui qui m’a élu) est le seul qui disparaisse quasi complètement du paysage politique de la Cité ? Permettez-moi d’ailleurs à ce sujet, de dire que la ceinture d’explosif censée m’entourer le ventre, comme l’a rapporté récemment l’indiscrétion d’un facétieux journaliste, n’était que trait d’humour de ma part ! Rassurez-vous, chers collègues socialistes, c’était bien du second degré !

En revanche, à la suite de tous ces constats, je dois avouer avoir subi un important accès de paranoïa. Et il y avait de quoi !... Puis, près avoir retrouvé un minimum de sérénité, je me suis efforcé de comprendre quelle était la logique qui sous-tendait un tel système. Et il y en avait une, en effet, que je vous livre.

Non, ce n’est pas un hasard, mes chers collègues, si en dehors du Canton 2, les 5 autres nouveaux cantons clermontois, resteront identiques dans leur plus grande partie en 2015, aux découpages actuels!

Ce n’est pas un hasard non plus si, par un heureux concours de circonstances, lesdits nouveaux cantons correspondront à peu près aux mêmes cantons que ceux actuellement détenus par qui ? Je vous le donne en mille ? Par des élus socialistes, bien sur. A l’exception de celui de Jean-Yves Gouttebel ! Ce qui, du coup, permet évidemment de mieux comprendre le satisfécit général de ces heureux collègues.

CQFD, donc. Ce qu’il fallait démontrer. Pour autant la ficelle me paraissait tellement grosse que, dans ma grande naïveté, je me suis dis : non ce n’est pas possible ! Un Ministère dirigé par la Gauche n’a pas pu commettre une pareille manipulation ! Il doit probablement s’agir d’un bug informatique ! D’un abus collectif de substances illicites, voire de la patte malveillante d’une taupe de l’opposition, infiltrée sournoisement au Ministère de l’Intérieur !

Ou, pire encore : que le gouvernement ait parié d’une façon machiavélique sur l’échec programmé de l’application de sa réforme électorale et de son redécoupage subséquent, pour accuser ensuite les fonctionnements des départements d’avoir la rage et, de ce fait, de saisir cette occasion pour les supprimer ? Allez savoir !

Sauf que des politiques du pire, de ce tonneau-là, ajoutées aux renoncements sociaux et sociétaux que nous connaissons déjà, ne pourront qu’amplifier le populisme dans lequel marinent déjà les prochains succès annoncés d’une extrême-droite triomphante.

Alors, pour conclure, mes chers collègues, face à cette grossière manipulation de la carte électorale clermontoise, afin d’aboutir à un découpage partisan censé minorer au maximum le nombre d’élus se situant à la gauche de la Gauche, vous comprendrez que je ne fasse aucune proposition susceptible de rendre les choses plus convenables.

Il est en effet impossible d’amender l’inamendable.

Pour bien faire, il faudrait tout reprendre à zéro, sur la base par exemple, des quartiers tels qu’ils ont été définis par la municipalité de Clermont dans sa publication mensuelle. Mais le Ministère ne le voudra pas. Alors face à un tel aveuglement, l’humour n’est-il pas l’ultime politesse du désespoir qui s’impose ? Je vous le demande. C’est pourquoi, vous l’avez compris, mon seul parti pris a été, hélas, celui d’en rire… Amèrement bien sûr, avant que d’en pleurer car, avec un Front National annoncé comme premier parti de France, cette fois, mes chers collègues, il va vraiment y avoir le feu à la République !

Je vous remercie de votre attention.

Serge LESBRE,

Conseiller Général de feu Clermont-sud.