SDRIF ?

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Le Conseil Régional d'Île de France s'apprête à adopter son Schéma Directeur de la Région Île de France (SDRIF) le 25 octobre prochain. Autant le dire tout de suite, le compte n'y est pas. Ni sur la méthode, ni sur le fond, ni sur les moyens.

Le SDRIF est un document de planification de l'aménagement régional pour les 10 ans à venir. Logement, transport, emploi, environnement, il s'agit de donner les moyens à la puissance publique d'orienter sa politique en faveur d’un aménagement du territoire où la solidarité et la coopération l’emportent sur la compétition et la spécialisation sur quelques pôles (les zones d’emplois à l’ouest, le logement à l’est et des temps de transports toujours plus longs et éprouvants). Il s’agit également de promouvoir un aménagement économe en espace, afin de stopper l’étalement urbain, et de conserver les terres agricoles indispensables au développement d’une agriculture et d’une économie qui promeut les circuits courts.

Sinon, c'est la loi du marché qui l'emporte. Alors il n'y a plus aucune cohérence entre chaque compétence, et la division du territoire se fait en coupes réglées : ici l'emploi, ici les zones d'habitation, ici les riches, ici les pauvres, ici les espaces naturels , etc. Avec, pour mailler tout ça, des temps de transports toujours plus importants, des voitures toujours plus nombreuses sur les routes.

L'enjeu écologique et social est évidemment de rapprocher chaque habitant de toutes les fonctions de la ville, l'emploi, les services publics, la nature, les espaces de loisirs. Ceci implique la relocalisation de l'économie, la lutte contre les promoteurs, le développement des services publics. C'est avec cet œil là qu'il faut examiner un schéma d'aménagement.

On est loin du compte. Contrairement au précédent SDRIF, celui-ci a été élaboré sans qu’il soit possible de laisser du temps à l’échange et en partant du schéma imposé par Nicolas Sarkozy avec son projet du “Grand Paris”. La concertation s'est faite sur un temps réduit et au final nous avons un projet de SDRIF qui concrètement va contribuer à concentrer l’emploi sur quelques pôles (450 000 m² de bureaux supplémentaires à la Défense, campus de Saclay, pôle d’affaires du Grand Roissy…) et contribuera à accroître la relégation des populations modestes dans des zones de moins en moins favorisées. Cette logique d’aménagement va renforcer l’hypertrophie de l’Ile de France au détriment d’un équilibre entre territoires régionaux et dégrader chaque jour les conditions de transport de centaines de milliers de Franciliens, sur la route, comme dans le RER ! Tout cela augmentera les nuisances environnementales comme le trop plein de déchets (stockage, incinération) et les pollutions néfastes pour la santé (air, eau...). C'est un des motifs de la motion de renvoi déposée par les camarades du Front de Gauche-Alternatifs élus au Conseil Régional.

L'autre principal motif est la question financière. Les récentes déclarations de Cécile Duflot dans le journal le Monde laissent prévoir une baisse drastique des dotations de l'État. Ainsi le plan de mobilisation pour les transports (500 Millions d’€) est menacé du simple fait que certains souhaiteraient voir ces financements attribués au lancement des travaux du projet de métro du Grand Paris. Faute d’un canevas budgétaire finalisé en votant ce SDRIF les élus régionaux abandonneraient à la société du Grand Paris, les compétences en matière de transports qui devraient revenir au Syndicat des Transports d’Ile de France.

Au cas où cette motion de renvoi serait rejetée, les élus du groupe Front de Gauche-Alternatifs ont décidé de déposer des amendements. En l'état, il n'est clairement pas possible de voter « pour ». Les amendements déposés ont pour objectif au travers d’exemples (transports, logements, emplois,...) de démontrer la nocivité d’un projet d’aménagement qui va accompagner un projet organisé autour de “pôles d’excellences” et contredire les principes énoncés dans son introduction.

Pour l'emploi les chiffres annoncés nous paraissent farfelus. Avec un objectif de création de 28.000 emplois supplémentaires par an, ces annonces font comme si notre région se situait hors de la crise actuelle qui touche toute l’Europe. Le pari de rattrapage en sortie de crise est plus de l'incantation qu'autre chose. La validation du Pacte budgétaire et les 30 milliards en moins prévus dans le budget de la Nation par l'actuel gouvernement n'augurent aucune sortie de crise à court et moyen terme. Rappelons que ce sont près de 300.000 emplois industriels qui ont été détruits ces 20 dernières années. Rappelons aussi que, même si par miracle l'objectif de 28.000 emplois par an était tenu, rien n’est dit des emplois détruits et ce chiffre ne couvrirait pas le nombre d'entrée sur le marché du travail des Franciliens pour les 10 prochaines années. Enfin ce schéma -dans son volet emploi- ignore les habitants de départements limitrophes de l’Île-de-France qui travaillent en région parisienne, phénomène qui ne cesse de s’accroître du fait d’un côté d’une spéculation immobilière qui contraint les plus pauvres à se loger de plus loin et des choix de concentration économique qui fait disparaître des emplois de proximité en les déplaçant ou en les concurrençant. Ce phénomène touche particulièrement l'Oise avec la concentration autour du pôle de Roissy, mais n’épargne pas d’autres départements comme l'Eure et Loire qui voit chaque année disparaître nombre emplois de proximité.

En terme de logements, ce SDRIF ne permettra pas de lutter réellement contre l'étalement urbain. Bien au contraire, offrant à la rapacité des promoteurs et autres spéculateurs fonciers de nouvelles opportunités, dans une logique où la spécialisation des territoires n'est pas remise en cause, tout cela va accentuer les fractures au sein de nos villes comme dans nos vies. Des zones dédiées au développement économique, d'autres aux logements, d'autres aux loisirs, tout ceci renforce la ghettoïsation et l'allongement des temps de transports.

Enfin, les services publics sont les grands absents de ce schéma directeur. Santé, éducation, insertion, s’ils sont évoqués, rien n'est clairement défini, aucun axe prioritaire n'est dégagé. Là encore, nous avons soumis des amendements pour pointer ces manques et demander que soit remis en cause un projet d’aménagement qui se contente d’accompagner les politiques comptables au détriment du mieux-être de la population. Ainsi pour nous le SDRIF devrait contrecarrer l’œuvre de l'Agence Régionale de la Santé qui n'a eu de cesse, sous les gouvernements de droite précédents, de fermer des services hospitaliers de proximité et des centres de santé mutualistes. Nous proposons donc de permettre aux Franciliens d'avoir à moins de 30 minutes un service d'urgence et dans leur bassin de vie un accès garanti à la médecine publique hospitalière. Le récent drame du Lot démontre combien l’action de l’ARS et la loi HPST ont des conséquences désastreuses pour notre bien public et sont dramatiques pour nombre de vies individuelles. Les déserts sanitaires ne concernent pas que les zones rurales.
Quant aux lycées, qui sont une compétence de la Région, la vision régionale défendue dans ce SDRIF consiste à avaliser les projets défendus par l’ARF. Or cette nouvelle étape dans la régionalisation des politiques éducatives est dangereuse. Car elle propose d’engager une décentralisation qui rimerait avec l’abandon de notre modèle républicain d’égalité d’accès au service public d’éducation. Ici de “grands lycées” qui laisseront des territoires sans établissements publics d’éducation accentuant ainsi la fracture sociale incluse dans la fracture territoriale.

Ce SDRIF semble avoir surtout cédé aux pressions de ceux qui veulent défendre les intérêts d’une minorité au détriment de l’intérêt général. Manque de volonté politique ? Sans nul doute. De moyens financiers aussi... Ce projet d’aménagement choisi d’accompagner –au fil de l’eau- les stratégies du capitalisme financier. Loin de réduire les inégalités sociales et territoriales, les politiques régionales sont sous la coupe des politiques d’austérités et annoncent en creux, des réductions de missions de services publics, qui prépare des recours au « partenariat public-privé » et de la marchandisation. Il n'est donc pas un hasard que pas une ligne ne soit consacrée à la protection de la ressource en eau.