Pour lutter contre la récidive, luttons contre la surpopulation carcérale !

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Le débat sur la réforme pénale a à peine commencé qu'il provoque déjà des remous au sein du gouvernement. En cause, le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, qui défend corps et cri les positions droitières du syndicat de police Alliance.

La Garde des Sceaux, Christiane Taubira planche sur ce dossier depuis des mois. Il n'a fallu qu'une lettre de Manuel Valls au président de la République, qui a malheureusement fuité dans la presse, pour agiter l'UMP, le FN et le très conservateur syndicat de police Alliance, qui bénéficie de l'écoute attentive du ministre de l'Intérieur. En effet, ce dernier, s'il dit vouloir rétablir l'individualisation de la peine, ne souhaite pas supprimer les peines planchers -sans souffrir la contradiction-, et affirme le souhait d'une application stricte des peines d'emprisonnement, même les plus courtes.

Le but du projet de loi est, sinon d'empêcher, au moins de réduire la récidive pour la petite délinquance. La disposition phare du précédent quinquennat était l'instauration des peines planchers, qui supprimait l'individualisation de la peine et envoyait en prison à tours de bras... Quand il y avait de la place. Car la polémique sur le report de l'application des peines des trois délinquants de Dreux cet été, conformément à une circulaire de la chancellerie - qui elle-même respecte l'esprit d'une loi passée sous la droite - , montre que certaines peines d'emprisonnements ont dû mal à être appliquées, faute de places suffisantes.
Ainsi, la ministre de la Justice souhaite diversifier les peines pour les délinquants. De nombreuses idées circulent : les travaux d'intérêt généraux, les bracelets électroniques, la semi-liberté etc...Les justifications sont nombreuses.
D'ordre financier d'abord. La surpopulation carcérale coûte cher à l'Etat, qui doit nourrir, soigner, surveiller les prisonniers toujours plus nombreux, ce qui demande des frais toujours plus grands.
Des raisons de sécurité ensuite. Toutes les études montrent que les peines planchers et l'emprisonnement systématique ne règlent en rien la question de la récidive. La prison est devenue l'école du crime et son passage est parfois considéré comme une médaille du mérite. De plus, sans accompagnement à la sortie, l'ex-détenu, isolé, en rupture familiale, affective, sans travail, n'a souvent d'autre choix que de « replonger ».
Les conditions de détention enfin. La France se fait régulièrement épinglée par la Cour européenne des Droits de l'Homme à cause de la surpopulation carcérale engendrant moult problèmes et drames - suicides ou mutineries comme à la maison d'arrêt de Blois. Un pays démocratique, a fortiori le nôtre, ne peut se permettre de traiter ainsi ses habitants, fussent-ils détenus, sans respect aucun de leur condition humaine.

Deux politiques sont possibles. Le tout répressif, avec les dégâts et l'inefficacité qu'on lui connaît, ou une adéquation entre prévention, répression et insertion.

La première, le tout répressif, c'est le choix des peines planchers et de la construction de prisons, que soutient la droite et le ministre de l'Intérieur Manuel Valls. Or la construction de nouvelles maisons d'arrêt est un nouveau cadeau déguisé aux grands groupes, notamment du BTP. En effet, d'après un rapport de la Cour des Comptes, il y avait en 2011 45 établissements pénitenciers sur 195 en gestion déléguée au secteur privé. C'est à dire que des entreprises privées, telles que des filiales de GDF Suez et Sodexho, gèrent la restauration, le nettoyage, la blanchisserie, la maintenance, le transport des détenus et l’accueil des familles, tandis que l'Etat conserve les missions de direction, de surveillance et de greffe. Mais ces partenariats publics-privés prennent de plus en plus d'importance et concernent aussi la construction des prisons. Avec Bouygues et Eiffage en tête, c'est une quarantaine de contrats juteux qui est prévu d'ici à 2017. Le coût pour l'Etat grandit d'autant plus que les nouvelles infrastructures disposent de nouvelles technologies très chères pour assurer la sécurité et parcelliser au mieux la vie des détenus ( sas, système électrique d'ouverture des portes). Plus grandes, ces prisons nécessitent aussi des postes de surveillance plus nombreux et plus sécurisés, d'où l'inflation des miradors et des barbelés. Les groupes du BTP ont donc intérêt à cette politique, puisqu'ils reçoivent en retour des sommes mirobolantes pour la construction et l'affermage des établissements pénitentiaires. Manuel Valls se fait donc le porte-parole de l'ultra-capitalisme.


Nous, élus de la Gauche par l'Exemple, choisissons la deuxième option et appuyons de notre soutien vigilant à la Garde des Sceaux.

Parce que notre projet de société et nos principes sont foncièrement différents de ceux de Manuel Valls et de la droite.
Ce n'est pas le choix du laxisme, mais celui du réalisme contre l'idéologie aveugle de la répression à tout va.

L'Etat doit d'abord se donner les moyens de prévenir la délinquance, via une réelle politique éducative, sociale et urbaine, qui a les moyens de ses ambitions. En cette période d'austérité, nous doutons cependant de cette orientation.
Il doit ensuite diversifier les nécessaires sanctions. Un délinquant doit être sanctionné, là n'est pas la question. A quoi sert la peine ? A punir, à protéger du danger que le condamné représente pour la société (c'est le cas de l'emprisonnement), à amender. Si les sanctions ne sont pas multiples et adaptées au délinquant - ce qui suppose une individualisation de la peine -, les taux de récidive demeureront élevés. D'autant que la banalisation des courtes peines d’emprisonnement, avec les peines planchers, retire leur vocation initiale : empêcher la récidive.
L'Etat doit enfin aider à la réinsertion, notamment professionnelle, de la personne.

Certes, c'est une politique de long terme et qui coûte cher. Mais l'échec des politiques judiciaires n'a-t-il pas beaucoup plus coûté, en terme financier, mais aussi social - avec les émeutes urbaines -, et politique, -avec la montée du Front national ?